Hippocrate de Cos (ou Kos), du nom de l’ile grecque où il est né, vécut aux Vème et IVème siècles avant la naissance de Jésus-Christ. Médecin et philosophe, il est considéré comme le « père de la médecine », et c’est bien ce qui nous intéresse ici, puisqu’il est à l’origine de ce qui se rapproche des premiers hôpitaux. Pour Hippocrate, la maladie ne touche pas au divin ni au sacré, elle est d’origine naturelle : elle touche le corps et est influencée par l’environnement. C’est en rationnalisant la maladie qu’il écarte la possibilité d’une justice divine et met en place un questionnement du malade pour connaitre les changements dûs à la maladie, puis ce que l’on appelle aujourd’hui un « examen clinique », une observation minutieuse du malade pour en détecter les symptômes visibles et établir un diagnostic. Vient ensuite le traitement approprié, basé sur le repos et des remèdes simples. Rigueur et professionnalisme sont les maitres-mots de sa pratique et la base de la médecine hippocratique.
Bien sûr, les historiens ne sont pas tous d’accord sur la véracité des « informations » qui sont arrivées jusqu’à nous, comme par exemple le fameux serment d’Hippocrate dont il ne serait, pour certains, pas l’auteur.
Qu’importe. Hippocrate, le célèbre médecin, semble avoir été source d’inspiration pour son auteur, Alain Orban (Troyes, Black Angel) et c’est une très bonne chose pour nous ! Vous trouverez d’ailleurs, en fin d’article, quelques mots phrases lignes paragraphes sur la genèse du jeu.
Aux illustrations, on retrouve Laura Bevon (Between Two Castles of Mad Ludwig, Ceylan) ; et côté éditeur, c’est Game Brewer aux manettes.
La campagne Kickstarter du jeu, lancée le 5 avril 2021, sera en ligne jusqu’au 30 avril. Je ne vous dévoilerai pas le montant atteint à ce jour et vous laisserai libre d’aller jeter un coup d’œil au projet dont le lien est dans la phrase précédente. 😉
Hippocrates est prévu pour 1 à 4 joueurs, à partir de 12 ans et pour une durée de 90 minutes environ.
Accueillez des malades, recrutez les meilleurs médecins et faites des merveilles afin d’avoir la meilleure réputation possible, et ainsi succéder à l’illustre Hippocrate !
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Le matériel
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J’ai eu la chance d’essayer le jeu grâce à un prototype (Merci Game Brewer !), le matériel photographié n’est donc pas définitif et des modifications / ajustements peuvent encore intervenir pendant la campagne.
Toujours est-il que, comme pour le prototype de Stroganov (du même éditeur), la qualité est déjà au rendez-vous, que ce soit au niveau du (gigantesque) plateau de jeu, des plateaux individuels, du nombre pléthorique de tuiles, des marqueurs et fioles en bois ou des dés spéciaux. Rien à signaler au niveau des jetons, et je suis ravie que des pièces en métal soient proposées pendant la campagne !
Dans la version finale, les fioles en bois cèdent la place à d’élégantes fioles translucides (source : image KS) :
Le bas du plateau de jeu sera différent du prototype (et plus intéressant au niveau des bonus des emplacements vides !).
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A quoi ça ressemble ?
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Comment on joue ?
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En immersion…
Hippocrate, le renommé médecin, arrive à la fin de sa longue vie et il lui faut trouver un successeur.
En tant que médecin désireux de poursuivre son œuvre, vous devez créer une équipe de praticiens venant de toute la Grèce, chacun spécialisé dans l’usage de certain(s) remède(s) pour mener à bien la grande et cruciale mission de soigner maladies et blessures.
Accueillez les malades dans votre salle d’examens, transférez-les dans la salle d’urgences si vous ne parvenez pas à les soigner rapidement, mais quoi qu’il arrive, ne les laissez pas mourir ou, au-delà de la perte humaine, cela pourrait ruiner votre réputation !
Pour soigner les patients, il vous faut recruter des médecins qualifiés et acheter des remèdes efficaces. Il ne vous reste ensuite plus qu’à confier les malades aux médecins en fonction de leur(s) spécialité(s) et ils guériront. Si vous y parvenez, malades et médecins amélioreront votre réputation et vous pourrez suivre le chemin vers la gloire.
Attention cependant de bien penser à rémunérer vos praticiens, sinon ils s’en iront chercher une herbe (médicinale, bien sûr !) plus verte ailleurs !
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D’un point de vue plus technique…
Lors de la mise en place, le plateau est placé au centre de la (très grande !) table. Les joueurs y placent les tuiles Médecin et Patient comme indiqué dans la règle, ainsi que les 3 types de remèdes et les drachmes, monnaie du jeu.
Chaque joueur reçoit un plateau individuel, 1 médecin de départ, 1 pilier Accueil, 1 jeton Option, 1 marqueur Points de Réputation, 1 marqueur Points de Victoire, 3 jetons Assistant (1 au choix sur l’emplacement dédié du plateau et les 2 autres à côté) et 6 drachmes.
IMPORTANT : à moins de 4 joueurs, des personnages fantômes, non-joueurs (par facilité, je les nommerai les PnJ), viennent compléter le nombre de joueurs jusqu’à 4. En solo, 3 PnJ sont nécessaires ; à 2 joueurs, 2 PnJ ; et à 3 joueurs, 1 PnJ.
Les joueurs déterminent aléatoirement le placement des piliers sur la piste d’accueil (ordre du tour) : d’abord eux, puis les PnJ.
Chaque joueur (y compris les PnJ) place son marqueur Réputation sur l’emplacement de départ de la piste dédiée (en commençant par le 1er joueur). Puis les 4 marqueurs PV sont placés sur la case 0 de la piste dédiée.
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Entrons maintenant dans le vif du sujet, pour ceux qu’un « résumé » des règles intéresse.
Une partie d’Hippocrates se joue en 4 manches, chacune composée de 5 phases.
Une phase se déroule de la façon suivante :
- Phase d’accueil : le 1er joueur lance les dés, les place, puis, dans l’ordre du tour, chacun peut positionner son pilier en haut d’une colonne pour accueillir 1 patient (à côté d’un dé) au cours de 3 tours (donc potentiellement 3 patients) ou, si la case à côté du dé est vide, obtenir un bonus (drachmes ou assistant). Les joueurs peuvent éventuellement récupérer des assistants ou les utiliser pour déplacer un dé. Je n’entrerai pas dans les détails mais sachez que ces assistants vous seront bien utiles ! 😉 Chaque malade nouvellement accueilli est installé dans la salle d’examens du joueur concerné et celui-ci reçoit/dépense les remèdes, drachmes, PR et/ou PV indiqués sous son emplacement initial. Les PnJ ne reçoivent/dépensent que des PR et/ou les PV. Après ces 3 tours, chaque joueur perçoit les offrandes (drachmes) apportées par les nouveaux patients.
- Phase de rémunération des médecins : chaque joueur paie ses médecins en exercice en fonction de sa réputation. Plus la réputation du joueur est grande, moins le salaire des médecins sera élevé. Si l’un d’eux n’est pas payé, il part.
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3. Phase de recrutement des médecins :
- Les joueurs, en fonction de leur réputation, peuvent tout d’abord mettre une option sur l’un des 4 médecins « itinérants » en payant 2 drachmes,
Attention : Le PnJ dont c’est le tour reçoit les PV du médecin possédant le plus grand numéro puis le range dans la boite.
- Puis ils peuvent, au choix :
- recruter un médecin régional,
- acheter un kit de médicaments,
- faire les 2 actions et gagner 1 tuile Connaissance.
- passer sans effectuer d’action.
Les joueurs peuvent alors recruter le médecin « itinérant » sur lequel ils avaient posé une option en déduisant la somme déjà payée ou ne pas le faire (dans ce cas, les 2 drachmes sont perdus).
Attention : Le PnJ dont c’est le tour reçoit les PV du médecin possédant le plus grand numéro puis le range dans la boite.
- Les joueurs réinitialisent ensuite la zone de recrutement.
- Phase de traitement des malades :
- Les joueurs associent les patients aux médecins,
- Ils leur administrent le(s) remède(s).
- Phase de scoring :
- Les patients non soignés sont déplacés vers la salle d’urgences ou décèdent… Dans ce cas extrême, vous perdrez des points de victoire en fin de partie.
- Les joueurs gagnent les points de réputation correspondant au nombre de patients soignés,
- Les patients guéris quittent l’hôpital et rapportent des points de victoire aux joueurs,
- Les médecins ayant rempli tous leurs contrats prennent leur retraite et octroient des points de victoire aux joueurs,
- Chaque patient restant dans la file d’attente reçoit 1 drachme ; c’est un pot-de-vin pour inciter les joueurs à les accueillir.
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Une nouvelle manche peut ensuite commencer.
La partie se termine à la fin des 4 manches.
Chaque joueur perd 1 PV par patient restant dans la salle des urgences, et 3 PV pour chaque patient décédé.
Le joueur ayant marqué le plus de points de victoire l’emporte.
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VERDICT
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J’étais complètement la cible de ce jeu ; j’avais donc de fortes attentes. Vous pensiez que j’allais tout vous révéler tout de suite ? Que nenni ! Une chose à la fois, commençons par le commencement !
Le titre du jeu évoque la médecine, la promesse de guérisons peut-être ?
La thématique est attrayante (pour moi en tout cas) mais difficile à mettre en œuvre sur un plateau… C’est donc plutôt bien joué et, si on se laisse porter, on peut vite céder à la peur de ne pas réussir à soigner tous ses patients en oubliant totalement les points de victoire ! On peut donc raisonnablement dire que l’immersion est suffisamment présente pour donner l’envie d’y retourner en sauvant un maximum de patients (tout en se forgeant une réputation digne de ce nom) !
J’ai particulièrement apprécié les petits détails du jeu qui favorisent une immersion chère à mon cœur de joueuse : l’utilisation des drachmes, monnaie de l’époque, la quantité limitée de remèdes, les noms des médecins et des patients… ainsi que la direction artistique bien sûr !
Autre point intéressant : si vous accueillez des patients que vous jugez plus intéressants mais qui auraient dû passer après les autres, vous perdrez des points de réputation. Eh oui, pas de sélection en médecine : on soigne tout le monde et dans l’ordre (d’arrivée ou de gravité, mais pas de préférence) !
Vous ne trouverez pas d’interaction directe avec les autres joueurs dans Hippocrates. Eh non, vous ne pourrez pas leur subtiliser des patients ou leur voler des remèdes ! La seule interaction sera le fait de choisir une tuile (Patient ou Médecin) qui les intéresse si vous parvenez le faire avant eux. Cela me convient tout à fait, n’étant pas adepte des effusions de sang et autres méchancetés.
Esthétiquement, je trouve l’ensemble très beau et parfaitement adapté au thème. Voilà qui est clair, passons à la suite. Ah non, une petite chose tout de même : les couleurs des tuiles rouge/rose et bleu clair/foncé sont très proches et difficiles à distinguer pour certaines personnes, c’est dommage. Heureusement que les symboles des différentes régions sont là !
La majorité des parties jouées l’a été à 2 joueurs ou en solo (en raison des conditions sanitaires).
Quelle que soit la configuration, à moins de 4 joueurs, il faut ajouter des personnages « fantômes », « non-joueurs » (des PnJ, comme dans les jeux de rôle finalement, que l’on fait jouer un peu quand-même), l’équivalent d’une IA contre laquelle on se bat, ou de plusieurs « automas ».
En solo, l’automa est un classique et, même s’il faut gérer 3 PnJ, le jeu m’a énormément plus.
Mais à 2 joueurs (ou 3, mais je n’ai pas essayé cette configuration), il faut tout de même gérer 2 PnJ (ou 1) et cela m’a un peu gênée au début. J’aime jouer à mon tour et que mon adversaire joue à son tour, sans être obligée de gérer 2 autres « pseudo-joueurs ». C’est un avis tout à fait personnel que ne partage pas ma moitié qui aime le jeu tel quel et réclame « On rejoue à Hippocrates ce soir ? »… 😊
J’ai tout de même posé la question à l’auteur (pourquoi des « joueurs fantômes » ?) et voici sa réponse : « […] c’est pour que, quel que soit le nombre de joueurs, il y ait toujours le même nombre de patients pris et donc une tension de plus en plus grande pour espérer pouvoir en récupérer un intéressant (et aussi d’avoir une variation dans l’ordre du tour). Idem pour les docteurs. Si ce n’était pas le cas, le jeu à 2 serait beaucoup trop facile. »
Tout d’abord, merci Alain de m’avoir répondu rapidement et sans détours. Je comprends tout à fait l’idée et le principe me gêne moins. De plus, si l’on réfléchit un peu après quelques parties, on peut noter que les tuiles supprimées par les PnJ sont prévisibles puisqu’il s’agit à chaque fois du numéro le plus élevé. Tandis que les choix humains sont moins aisés à prévoir ! Attention, je n’ai pas dit que c’était plus facile dans un cas ou l’autre !
Enfin, à 4 joueurs, le jeu prend tout son sel (si les PnJ vous dérangent, sinon toutes les configurations offrent une excellente expérience de jeu).
La question de la rejouabilité tient davantage au hasard des tirages qu’à la quantité de tuiles : si les patients sont présents en nombre, les médecins, kits de remèdes et connaissances représentent juste la quantité nécessaire au jeu et celle-ci est tout à fait suffisante pour renouveler les parties sans nuire à l’équilibre du jeu (à vérifier sur le long terme).
J’ajoute qu’il est très agréable de lire dans la règle que l’on peut déplacer un dé avec un assistant parce que cela nous avantage, mais en aucun cas pour bloquer un adversaire. Avis aux amateurs de coups de poignard dans le dos ! 😉
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Conclusion
Un très bon jeu dans toutes les configurations proposées, pour peu que l’on ne rechigne pas à gérer des joueurs fictifs (à moins de 4 joueurs) pourtant faciles à gérer. Placement, gestion de ressources et optimisation donnent une recette réussie pour une durée très raisonnable.
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Si vous souhaitez en savoir davantage sur la création du jeu, voici quelques informations supplémentaires.
Genèse (ou, si vous préférez : « Designer’s diary – extraits » 😉)
Un grand merci à Alain d’avoir partagé son journal de création d’Hippocrates avant l’heure et d’avoir répondu à mes questions, même tardives !
C’est au cours d’un séjour en Grèce sur l’ile de Kos, plus précisément après la visite du temple d’Asclépios, qu’Alain Orban a commencé à réfléchir au jeu qu’il pourrait créer : six nations, 3 types de remèdes, des médecins capables de traiter 1 ou plusieurs patients (contrats), 5 phases de jeu, des offrandes faites par les malades… Les 6 dés numérotés de 1 à 3 ont rapidement pris la place des 12 dés d’accueil et de réputation…
Les 2 premières phases étaient d’abord celles-ci : soigner des malades et former des médecins. Puis l’évolution du jeu a abouti au jeu que vous vous apprêtez à pledger aujourd’hui (ou pas 😉).
Alain Orban a tout d’abord pensé à un jeu de course, de rapidité, mais il a rapidement (😊) abandonné l’idée au profit d’un jeu plus « expert », et la réflexion a pris le pas sur la vitesse. J’ai envie de dire : tant mieux !
Les premiers essais se sont faits seul, en jouant plusieurs joueurs, et sa fille a pris part à l’expérience, puis d’autres joueurs ont pu tester le jeu… et vous connaissez la suite !
Concernant les médecins et les patients, l’auteur a pris la peine de faire des recherches sur les noms usités à l’époque, et franchement, ça fait plaisir et cela participe à l’immersion !
Côté caractéristiques, le scoop est que la taille du jeu a été orientée par Catane (Klaus Teuber) et que la forme hexagonale des tuiles Médecin est inspirée de Krone & Schwert (Klaus-Jürgen Wrede). Bon d’accord, peu connaissent le 2nd jeu (moi non plus d’ailleurs) mais j’avais envie de le citer ! 😉
Depuis 2017, le jeu a bel et bien évolué, voici donc le lien vers le « Designer’s diary » qui je l’espère, vous intéressera autant que moi !