L’arrivée d’un premier enfant dans la famille, c’est toujours un grand bouleversement. Surtout quand vous êtes moi, et que l’enfant est une fille. C’est que je n’y connais pas grand-chose en monster trucks, en engins de chantier et en marques de cigare. Et la seule fois où je suis monté sur une Harley, elle était en bois avec la peinture qui s’écaillait et c’était au petit manège qui illumine la place du village de mon enfance. Je m’imaginais un tas de scénarios tous plus stressants les uns que les autres, et si elle me demandait de l’emmener voir du catch ou du football gaélique ? Ça existe vraiment, c’est un mélange de football, de rugby et de basket, on sent que les concepteurs carburaient à autre chose que l’eau claire. Mais je m’égare. Bref, j’angoissais réellement, je n’en dormais plus la nuit. Bon, coup de bol, son truc à elle, c’était plutôt les princesses Disney.
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Il en faut peu pour être heureux
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Elle était donc la cible parfaite pour Chronicles of Light, le nouveau Disney de chez Ravensburger. Un jeu coopératif, avec des princesses et autres héroïnes, joliment illustré façon low poly, et avec des dés à lancer pour vaincre les monstres ? N’en jetez plus, à peine avait-elle posé les yeux sur le matériel lors du festival Orléans Joue, que je savais que le jeu allait rejoindre notre ludothèque. Est-ce que le jeu allait être intéressant à jouer pour elle ou pour nous, y aurait-il de la rejouabilité, de la courbe de progression, c’était une autre histoire qui n’avait ici aucune espèce d’importance. Y a Vaiana et Belle, t’entends ? La puissance de la souris sous amphètes est vraiment une chose terrifiante.
Chronicles of Light vous permet donc de vous glisser dans la peau d’une héroïne Disney parmi quatre, et de faire équipe pour casser la gueule à un vortex qui n’arrête pas de mettre des ténèbres partout dans votre joli royaume féérique. Chaque personnage vient avec des actions standards mais également certaines qui lui seront propres, avec l’une qui se baladera en pirogue, l’autre en voiture de super-héros, et ainsi de suite. La différenciation ne s’arrête pas là, puisqu’on trouve également dans la boite un petit paquet de quêtes dédiées à chacune, et c’est grâce à ce système de quêtes que le jeu offre un peu de rejouabilité.
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Tout le monde veut devenir une cheffe
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Le principe est simple : pour débloquer la top action de sa princesse (qui elle reste toujours la même), et avoir également le droit de fracasser du vortex et remporter la victoire, il faudra auparavant terminer la quête qui nous aura été assignée, et qui consiste souvent à aller chercher un bidule à un point A pour le ramener à un point B. Ces deux points pouvant être assez éloignés l’un de l’autre suivant la configuration aléatoire du plateau, il faudra solliciter l’aide de ses compagnes de jeu pour faire le coursier dans les temps, le nombre de manches avant la défaite étant fixe. Et comme le vortex ne peut être vaincu qu’après avoir accompli les quêtes de tout le monde, il est compliqué de faire cavalier seul.
La sélection d’actions a d’ailleurs été pensée dans ce sens : à chaque manche les joueuses peuvent réaliser au total 6 actions seulement, il faudra donc décider ensemble qui aura droit d’agir, même si une cheffe est là pour trancher, rôle qui tourne à chaque début de manche. Bien sûr, le jeu semble fait pour trigger les joueurs alpha, mais il faut se rappeler que c’est un jeu pour enfant, et que si tu cherches systématiquement à expliquer à ta gamine ce qu’elle doit faire ou comment elle doit le faire, tu risques de passer complètement à côté de l’intérêt du jeu, en plus de probablement la dégoûter de rejouer un jour avec maman ou papa. Ici plus qu’ailleurs, comme dans Andor Junior par exemple, il est important de ne pas tenter d’imposer son point de vue aux autres et de se contenter d’encadrer vaguement les actions des chers bambins. Ceci dit, le jeu n’est pas si facile, avec des événements qui se déclenchent à chaque début de manche, et qui amènent de nouveaux ennemis sur le plateau, qui bloqueront le passage à nos courageuses demoiselles.
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Nul n’est parfait
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On est du coup en permanence en train de chercher le bon dosage entre laisser Vaiana et Princesse Morgane faire n’importe quoi parce que la gestion des priorités est quand même l’une des choses les plus difficiles à appréhender, à tout âge d’ailleurs, et tenter de faire gagner la petite troupe, parce que c’est quand même plus rigolo quand le Bien triomphe du Mal. C’est d’ailleurs là mon principal regret, alors que le jeu présente bien, avec un matériel très honnête, des règles simples à comprendre et un univers qui plaira évidemment énormément. Chronicles of Light a finalement le cul entre deux chaises, et à laisser trop de liberté aux joueuses, il les empêche de réellement progresser. Comment comprendre où on a pêché, quand la sélection d’action est aussi permissive et le jeu aussi ouvert ? Si je reprends l’exemple d’Andor Junior, qui offre aussi un challenge coopératif où chaque joueur peut réaliser un certain nombre d’actions par manche, les menaces sont plus facilement identifiables (les petits monstres qui progressent jusqu’au château, le dragon qui avance sur sa piste), et la répartition des responsabilités (toi tu vas buter du gnome, toi tu vas chercher les fleurs, etc.) plus aisée à appréhender.
Mais je parle avec le point de vue d’une grande personne. Un enfant sera toujours ravi de relancer une partie, pour incarner une héroïne Disney, déplacer sa figurine le long des routes et lancer des dés chatoyants. Les quêtes fournies avec le jeu, si elles sont plutôt basiques, permettent aux participantes de se raconter une histoire, et la super action déblocable rajoute à la dramaturgie de la partie. Les méchants n’ont qu’à bien se tenir, on a maintenant une catapulte ! Charge aux parents de guider sans forcer les plus jeunes pour obtenir une issue heureuse. Ou de les laisser se planter en beauté, l’apprentissage de la défaite, ça fait aussi partie de l’éducation.
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