Test : Tomorrow
J’ai deux amours dans la vie, ma femme et mes enfants. Ce qui n’est pas une info très pertinente pour une critique de jeu de société. Je vais plutôt vous parler de mes deux amours ludiques. (Android) Netrunner et les jeux minimalistes. Imaginez donc l’extase que peut me procurer un jeu capable de fusionner si harmonieusement les deux !
All Cards Are Bastards
Dans Tomorrow, nous sommes dans un futur proche dans lequel un gouvernement gentillement totalitaire tente de faire passer la retraite à 72 ans et que des sauvageons en profitent pour blackbloquer le travail des honnêtes travailleurs. Tout cela n’est qu’une fiction, bien entendu. Du cyberpunk sur fond de conflits sociaux magnifiquement illustré par Alice Vuillet. Je dirais même plus, intelligemment illustré, car non seulement les cartes des deux factions jouables se répondent, renforçant leur antagonisme, mais en plus elle dépeint sans trop en faire une réalité à la fois distante et terriblement proche.
Pas de voitures volantes, de bras bioniques ou de néons omniprésents comme dans trop de représentations cyberpunks. L’illustratrice en fait juste assez pour nous dépayser et ça marche très très bien.
Elle réussit également à caractériser les deux forces en présence car le jeu nous laisse le choix entre les pancartes et les matraques et en profite pour créer de l’asymétrie. A la fois dans les cartes que nous jouons et dans les conditions de victoire que nous visons.
Sobriété heureuse
Tomorrow est un jeu de cartes minimaliste. 15 euros, 20 cartes et une poignée de jetons. Chaque joueur a son deck de 10 cartes et doit accomplir deux actions parmi quatre : piocher, jouer une carte, activer une carte ou en défausser une pour se faire du pognon.
Une base hyper simple tout comme les cartes. Pas de mots-clés dans tous les sens, pas d’effets tarabiscotés qui demandent de lire trois fois la faq avant de les comprendre. Tout est clair, limpide et mine de rien ça aide pas mal à la fluidité et au plaisir de jeu.
Qu’est-ce qu’on y fait alors dans Tomorrow ? Eh bien, les résistants tentent d’accumuler 15 points d’influence notamment via leurs cartes leaders et le gouvernement tente d’arrêter ces fameux leaders. Commence alors une course dont la tension est palpable durant toute la (courte) partie. Le joueur macroniste stresse en voyant la pile de points d’influence grimper. Le joueur résistant panique dès que l’un de ses trois malheureux leaders se fait arrêter.
Les sensations font penser à une version condensée de Netrunner, le jeu de cartes de Richard Garfield (le papa de Magic). Sauf que là, les rôles sont inversés. Dans Netrunner, la corpo était le défenseur et le runner (le hacker) était l’assaillant. Ici les résistants font office de défenseurs et c’est le NCG (les méchants) qui attaque en tentant d’arrêter les leaders dans la main, la défausse ou en jeu.
S’ajoute à la course, une mécanique déjà vue mais rudement bien utilisée. Défausser des cartes nous permet de récupérer leur coût en thune. Bien évidemment, les cartes aux effets les plus intéressants sont aussi les plus chères. Va-t-on défausser une bonne carte pour améliorer son économie ou la garder au chaud en attendant le moment propice ? Dilemme, dilemme. C’est bon, ça, le dilemme.
No future ?
J’aurais tellement aimé, mais, malheureusement, tout n’est pas parfait dans Tomorrow. Si les cartes et la boîte sont magnifiques, le matériel laisse franchement à désirer. Pour 20 cartes, on aurait aimé qu’elles soient de meilleure qualité. A protéger impérativement.
J’ai également une grosse crainte quant à la rejouabilité. 10 cartes fixes par deck c’est génial pour tenter de deviner ce que peut avoir l’autre en fonction de sa manière de jouer. (Pour le guessing, quoi). On risque néanmoins de rapidement tourner en rond. Alors, bien sûr, il y a les cartes promos qui permettent un peu de renouvellement. Mais d’abord ce sont des cartes promos (donc tout le monde ne les aura pas, ce qui est vraiment limite) et, en plus, elles ne sont pas très nombreuses. J’espère vraiment qu’une extension est en route. Ce jeu en a besoin. Et le mérite.
P.S. Merci à l’ami Ludiworld qui m’a fait découvrir cette merveille. Ce monsieur est un fin connaisseur des JCC, JCE et autres jeux de cartes qui coûtent un bras. Je vous invite à découvrir sa chaîne youtube si le sujet vous intéresse.