Test : Chronicles of Light

Test : Chronicles of Light

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

L’arrivée d’un premier enfant dans la famille, c’est toujours un grand bouleversement. Surtout quand vous êtes moi, et que l’enfant est une fille. C’est que je n’y connais pas grand-chose en monster trucks, en engins de chantier et en marques de cigare. Et la seule fois où je suis monté sur une Harley, elle était en bois avec la peinture qui s’écaillait et c’était au petit manège qui illumine la place du village de mon enfance. Je m’imaginais un tas de scénarios tous plus stressants les uns que les autres, et si elle me demandait de l’emmener voir du catch ou du football gaélique ? Ça existe vraiment, c’est un mélange de football, de rugby et de basket, on sent que les concepteurs carburaient à autre chose que l’eau claire. Mais je m’égare. Bref, j’angoissais réellement, je n’en dormais plus la nuit. Bon, coup de bol, son truc à elle, c’était plutôt les princesses Disney.

Il en faut peu pour être heureux

Elle était donc la cible parfaite pour Chronicles of Light, le nouveau Disney de chez Ravensburger. Un jeu coopératif, avec des princesses et autres héroïnes, joliment illustré façon low poly, et avec des dés à lancer pour vaincre les monstres ? N’en jetez plus, à peine avait-elle posé les yeux sur le matériel lors du festival Orléans Joue, que je savais que le jeu allait rejoindre notre ludothèque. Est-ce que le jeu allait être intéressant à jouer pour elle ou pour nous, y aurait-il de la rejouabilité, de la courbe de progression, c’était une autre histoire qui n’avait ici aucune espèce d’importance. Y a Vaiana et Belle, t’entends ? La puissance de la souris sous amphètes est vraiment une chose terrifiante.

Chronicles of Light vous permet donc de vous glisser dans la peau d’une héroïne Disney parmi quatre, et de faire équipe pour casser la gueule à un vortex qui n’arrête pas de mettre des ténèbres partout dans votre joli royaume féérique. Chaque personnage vient avec des actions standards mais également certaines qui lui seront propres, avec l’une qui se baladera en pirogue, l’autre en voiture de super-héros, et ainsi de suite. La différenciation ne s’arrête pas là, puisqu’on trouve également dans la boite un petit paquet de quêtes dédiées à chacune, et c’est grâce à ce système de quêtes que le jeu offre un peu de rejouabilité.

Tout le monde veut devenir une cheffe

Le principe est simple :  pour débloquer la top action de sa princesse (qui elle reste toujours la même), et avoir également le droit de fracasser du vortex et remporter la victoire, il faudra auparavant terminer la quête qui nous aura été assignée, et qui consiste souvent à aller chercher un bidule à un point A pour le ramener à un point B. Ces deux points pouvant être assez éloignés l’un de l’autre suivant la configuration aléatoire du plateau, il faudra solliciter l’aide de ses compagnes de jeu pour faire le coursier dans les temps, le nombre de manches avant la défaite étant fixe. Et comme le vortex ne peut être vaincu qu’après avoir accompli les quêtes de tout le monde, il est compliqué de faire cavalier seul.

La sélection d’actions a d’ailleurs été pensée dans ce sens : à chaque manche les joueuses peuvent réaliser au total 6 actions seulement, il faudra donc décider ensemble qui aura droit d’agir, même si une cheffe est là pour trancher, rôle qui tourne à chaque début de manche. Bien sûr, le jeu semble fait pour trigger les joueurs alpha, mais il faut se rappeler que c’est un jeu pour enfant, et que si tu cherches systématiquement à expliquer à ta gamine ce qu’elle doit faire ou comment elle doit le faire, tu risques de passer complètement à côté de l’intérêt du jeu, en plus de probablement la dégoûter de rejouer un jour avec maman ou papa. Ici plus qu’ailleurs, comme dans Andor Junior par exemple, il est important de ne pas tenter d’imposer son point de vue aux autres et de se contenter d’encadrer vaguement les actions des chers bambins. Ceci dit, le jeu n’est pas si facile, avec des événements qui se déclenchent à chaque début de manche, et qui amènent de nouveaux ennemis sur le plateau, qui bloqueront le passage à nos courageuses demoiselles.

Nul n’est parfait

On est du coup en permanence en train de chercher le bon dosage entre laisser Vaiana et Princesse Morgane faire n’importe quoi parce que la gestion des priorités est quand même l’une des choses les plus difficiles à appréhender, à tout âge d’ailleurs, et tenter de faire gagner la petite troupe, parce que c’est quand même plus rigolo quand le Bien triomphe du Mal. C’est d’ailleurs là mon principal regret, alors que le jeu présente bien, avec un matériel très honnête, des règles simples à comprendre et un univers qui plaira évidemment énormément. Chronicles of Light a finalement le cul entre deux chaises, et à laisser trop de liberté aux joueuses, il les empêche de réellement progresser. Comment comprendre où on a pêché, quand la sélection d’action est aussi permissive et le jeu aussi ouvert ? Si je reprends l’exemple d’Andor Junior, qui offre aussi un challenge coopératif où chaque joueur peut réaliser un certain nombre d’actions par manche, les menaces sont plus facilement identifiables (les petits monstres qui progressent jusqu’au château, le dragon qui avance sur sa piste), et la répartition des responsabilités (toi tu vas buter du gnome, toi tu vas chercher les fleurs, etc.) plus aisée à appréhender.

Mais je parle avec le point de vue d’une grande personne. Un enfant sera toujours ravi de relancer une partie, pour incarner une héroïne Disney, déplacer sa figurine le long des routes et lancer des dés chatoyants. Les quêtes fournies avec le jeu, si elles sont plutôt basiques, permettent aux participantes de se raconter une histoire, et la super action déblocable rajoute à la dramaturgie de la partie. Les méchants n’ont qu’à bien se tenir, on a maintenant une catapulte ! Charge aux parents de guider sans forcer les plus jeunes pour obtenir une issue heureuse. Ou de les laisser se planter en beauté, l’apprentissage de la défaite, ça fait aussi partie de l’éducation.

Test : Les Architectes d’Amytis

Test : Les Architectes d’Amytis

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

Tous les étés c’est pareil : promis, cette fois on emmène que cinq jeux, de toute façon on va passer la semaine à faire de super randonnées champêtres et à s’entrainer au lancer de hache sur cible vivante. Et tous les étés, ça ne manque pas, on embarque deux sacs entiers remplis plein la gueule. Plus un ou deux fillers évidemment. Un filler, mais qu’est-ce que c’est ? Un filler, tout le monde le sait : c’est, en tout cas pour moi, le jeu que tu ressorts toujours avec grand plaisir lorsque tu as une demi-heure devant toi. L’équilibre mise en place, règles, fun, réflexion, est juste parfait et la rejouabilité évite d’avoir l’impression d’avoir fait le tour au bout de cinq parties. Le jeu qu’on rajoute toujours à la pile déjà conséquente de boites qui s’entassent dans le coffre de la voiture. Et cet été, le filler qui va bien, c’était Les Architectes d’Amytis.

Sur les bords des fleuves de Babylone

Le nouveau titre de La Boite de Jeu s’installe en deux minutes, s’explique en cinq, et se savoure pendant une trentaine. Mais ne partez pas tout de suite l’acheter, attendez au moins de voir de quoi il en retourne. Qui dit Amytis, dit Nabuchodonosor (Comment ça, non ?), et donc Jardins Suspendus de Babylone. Vous voici donc architecte en chef, et chargé de réaliser la plus belle des Babylones pour l’épouse du roi. De manière légèrement plus pragmatique, les joueurs vont chacun leur tour choisir une tuile parmi celles disponibles sur un plateau principal et la placer sur leur plateau personnel, afin de marquer des points immédiats en fonction de leur type (palais, jardin, etc.) et de réaliser des patterns basés sur la couleur et qui eux scoreront en fin de partie. Evidemment, on essaiera au maximum de concilier les deux.

Et… c’est tout ? Pas loin, mais il y a un petit twist qui amène juste ce qu’il faut d’interaction entre les joueurs : pour récupérer une tuile, il faut poser l’un de ses pions sur la pile qu’elle chapeaute, parmi les neuf disposées en carré sur le plateau principal. Evidemment, si l’un de vos pions ou l’un de ceux de votre adversaire est déjà sur la pile, impossible de chopper la tuile convoitée. Je vous sens anxieux, comment donc faire en sorte dégager l’importun ? Rassurez-vous, dès qu’un joueur a placé ses 4 pions, il les récupère automatiquement au tour d’après, libérant ainsi les piles occupées.  Et pour rendre la chose un peu plus palpitante, si grâce à une science maitrisée du morpion, vous avez réussi à placer vos trois premiers pions de manière à les aligner, vous pouvez les reprendre en main sans attendre le 4ème, en plus de gagner une faveur du roi, c’est-à-dire un scoring de fin de partie à choisir parmi une dizaine et dont vous seul bénéficierez.

Petit mais costaud, malin, mignon, etc.

A partir de trois ou quatre petites règles, Architectes arrive ainsi à rendre les décisions des joueurs multi-dimensionnelles, entre le scoring immédiat de la tuile choisie, le pattern que l’on souhaite réaliser, les contraintes de placement de nos pions, le fait de libérer des emplacements pour l’adversaire, les scorings de fin de partie qu’on essaye de rentabiliser. Certes, on n’atteint pas des sommets de complexité, mais ça rend le défi intéressant juste ce qu’il faut, le jeu rapide à jouer, et du coup facile à ressortir quand on est deux et qu’on n’a pas deux heures devant soi. Cerise sur le gâteau, le plateau sans cesse mouvant, la variété des patterns et les scorings alternatifs pour chaque type de bâtiment apportent suffisamment de variété et empêchent les parties de toutes se ressembler. Cette fameuse rejouabilité nécessaire à tout bon filler qui se respecte.

Voici donc un jeu qui se trimballe facilement dans sa petite boite, illustré avec goût, qui sait ce qu’il veut avec une configuration unique à deux joueurs, et qui le fait très bien. Le puzzle proposé est plaisant, et se renouvelle assez pour donner envie d’y revenir même après une dizaine de partie. Et l’équilibre est joliment trouvé avec des règles joueuses, ce qu’il faut pour plaire aux habitués, sans être trop complexes, permettant de le proposer à toute sorte de public. Et j’ai beau aimer d’amour les gros jeux tout plein de poils qui surchargent mes étagères, je suis ravi de pouvoir dorénavant placer Architectes juste devant, prêt à le dégainer dès que l’occasion se présentera.

Disponible ici :

Prix constaté : 18,50 €

Test : Les rats de Wistar

Test : Les rats de Wistar

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

Au Labo, l’attribution des jeux fait souvent l’objet d’âpres négociations, que tranche dans sa grande sagesse notre bien aimé Lider Maximo. Mais là, j’avais une longueur d’avance sur mes concurrents. Voyez-vous, ma femme est du signe du Rat, alors autant vous dire que je suis devenu un expert de ces adorables bestioles. Ce sont des créatures calculatrices, très malignes, quelque peu fourbes, toujours à l’affût d’un bon morceau de fromage, et non je ne suis pas en train de parler de ma chère et tendre, cessez ces sous-entendus. Bref, je sais tout sur les rats, en plus j’ai vu Ratatouille 27 fois, j’étais donc tout désigné pour me coller à la critique de Les Rats de Wistar, le nouveau jeu de Simone Luciani chez Intrafin.

Minus et Cortex partent à la campagne

Comme son nom l’indique, le jeu vous invite à montrer qui c’est Raoul au sein d’une colonie de rats surdoués de la récup’ : cinq manches pour récupérer des ressources, agrandir votre campement, déployer d’autres rongeurs à votre solde, explorer la maison des humains d’à côté et leur sous-sol, et bricoler tout un tas d’inventions à la Géo Trouve Tout. Ça a l’air peu dit comme ça, surtout qu’il faudra composer avec uniquement trois ouvriers tout au long de la partie, mais Rats of Wistar est de ce genre de jeux qui proposent de jolis effets boule de neige à qui aura su prendre le rythme. Quant aux autres ? Ils risquent de souffrir et de trouver le temps extrêmement long.

Le jeu demande en effet régulièrement d’anticiper nos prochaines actions, et d’optimiser leur enchainement. Première originalité, la puissance d’une action principale est déterminée par le nombre de tranches de pain de mie (avouez, la ressemblance est troublante) qu’on aura déployé dans la zone de l’action, sous-sol, sous-bois ou habitation humaine. Et ces pains de mie, ils ne sont qu’au nombre de deux au départ, même s’il est recommandé d’en débloquer d’autres par la suite. Evidemment il est possible de les déplacer d’une zone à l’autre, avant ou après l’action principale, mais les points de déplacements sont une denrée rare qu’il faut économiser. Il faut donc en permanence réfléchir comment tirer profit de leur présence avant de les changer de zone, quand procéder à leur migration, comment en déployer d’autres.

Tourne, tourne, petit rongeur

L’autre particularité, c’est que les emplacements pour nos rats ouvriers sont mouvants : tout est géré par une roue qui tourne d’un sixième à chaque début de manche, ce qui va modifier le nombre d’emplacements disponibles pour chaque action principale, ainsi que les actions bonus associées. Lorsque qu’il y a trois spots pour l’action de récolte ou de construction de chambre, c’est tranquille, surtout qu’un joueur ne peut se placer qu’une seule fois sur chaque action principale. Lorsqu’il n’y a qu’un emplacement, c’est tout de suite la guerre et les nervous breakdowns comme on dit dans le Bouchonois. Vous rajoutez à cette gymnastique la fameuse question de l’œuf ou de la poule (je débloque d’abord de nouveaux rongeurs, ou je creuse plutôt les pièces qui accueilleront leurs chambres ?), les différents badges à obtenir pour scorer des objectifs, réaliser des missions ou bricoler des inventions, et vous obtenez du jonglage épreuve olympique.

Heureusement, les actions gratuites sont là pour alimenter les combos et mettre de l’huile dans les rouages, et il est assez satisfaisant de déclencher l’action qui permet d’enfin engranger toutes les récompenses qu’on visait depuis trois tours, sans parler de la mine déconfite de nos adversaires. On explore la maison, pose une carte trouvaille, réalise une mission, puis un objectif, ce qui nous donne une action bonus sympathique, le tout en déplaçant notre piétaille dans un ballet gracieux. On est dans la zone, et tout semble s’enchainer naturellement, le sentiment est grisant. Je suis nul à Barrage, mais il parait qu’on y retrouve le même genre de sensations.

Tu sais ce qu’elle te dit, la rouetourne ?

Et puis il arrive que tout aille de travers, et qu’on ait le sentiment d’être en permanence à contre-temps. Clairement, la mécanique de roue d’actions est celle qui demande le plus d’efforts pour préparer les manches qui suivent, avec des actions bonus qui sont parfois idéalement corrélées aux actions principales, et d’autres fois complètement disjointes. Il faut alors savoir se tourner vers un autre pan de notre développement de colonie, ce qui amène vers un autre écueil : il y en a beaucoup et on ne peut évidemment pas tout faire. Certains disent qu’on ne peut pas réussir sans explorer, d’autres cartonnent très bien sans, la réalité est que toutes les stratégies se valent plus ou moins, tant qu’on ne perd pas de temps pour l’exécuter. Plus facile à dire qu’à faire.

Attention donc à la frustration, le jeu aura tôt fait de se transformer en un long chemin de croix si vous n’arrivez pas à trouver le rythme dans l’enchainement des actions. Les missions demandent des badges qu’on n’a pas, les ressources ne sont jamais assez suffisantes, on gaspille des mouvements pour pas grand-chose, les objectifs ou les emplacements nous passent sous le nez, on visualise les rouages mais tout semble terriblement rouillé. Il serait dommage de mettre le jeu à la poubelle à cause d’une mauvaise expérience pour autant : il fonctionne très bien et les différents axes de développement sont plutôt équilibrés, il y a tout à fait moyen de prendre des points ailleurs si quelqu’un se précipite sur les ressources ou sur l’exploration avant vous. Ou même sans être premier joueur de toute la partie. Bref, il vaut le coup qu’on s’accroche et qu’on se frotte à la courbe de progression légèrement pentue. Même si les autres joueurs seront toujours là pour faire rien qu’à nous pourrir notre expérience de jeu.

Terrier tout confort, magnifique vue sur les égouts

La bonne nouvelle, c’est qu’avec un solo aussi solide que celui de Rats, plus besoin de subir les râleries de Jean-Michel et les gestes brusques de Jean-Pascal, qui manque à chaque fois de renverser son lait fraise quand il va pour prendre une carte. Juste vous, le bot, et quelques cartes pour gérer la difficulté, l’exploration et les actions de ses méca-rongeurs. Même si celles-ci sont aléatoires (dans une certaine limite, le nombre de cartes n’est pas infini), les bonus que le bot est susceptible de vous voler sous le nez sont eux planifiés, et avec logique, ce qui permet d’anticiper, de temporiser aussi, de prioriser sa stratégie, à l’instar de ce qu’on peut faire lors d’une partie avec de vrais joueurs. Bref le solo est une belle réussite, le designer Mauro Gibertoni a fait du beau travail pour garder les sensations de l’expérience multijoueur, tout en proposant une échelle de difficulté beaucoup plus fine que ce qu’on trouve habituellement.

Les jeux de pose d’ouvrier, ce n’est pas ce qui manque dans le paysage platéoludique (oui parfaitement, platéoludique), et on a parfois l’impression d’avoir fait le tour. Et puis de temps en temps, on tombe sur un jeu qui propose un petit twist qu’on ne connaissait pas, ou qui trouve le bon équilibre fun/complexité même si la formule est vue et revue. Rats fait un peu tout ça, et sans révolutionner le genre, réussit très bien ce qu’il entreprend. Si en plus vous rajoutez des illustrations très agréables avec un choix de couleurs bucolique, et un solo carrément solide, vous obtenez un jeu avec certes un potentiel de crispation bien réel, mais qui saura se faire une belle place dans de nombreuses ludothèques.

Disponible ici :

Prix constaté : 54 €

Test : Backstories – Seule sous la glace

Test : Backstories – Seule sous la glace

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

Il existe deux sortes de jeux narratifs : ceux qui regorgent de matériel (figurines, plateaux, accessoires, …) et ceux qui sont capables de vous raconter une histoire avec un simple paquet de cartes. Back Stories fait partie de la deuxième catégorie, et pourtant, malgré son caractère minimaliste, nous avons été embarqués dans l’intrigue d’une manière surprenante. Seule sous la glace est le premier jeu d’une gamme qui promet de belles sensations.

As easy as one, two, three

Back Stories est un jeu coopératif dans lequel vos choix déterminent l’issue de l’aventure. Il est extrêmement facile à prendre en main. Les joueurs choisissent collectivement une action à entreprendre et en découvrent les conséquences.

Il existe plusieurs types de cartes : les lieux avec lesquels vous pouvez interagir, les actions que vous pouvez réaliser sur les lieux afin de faire avancer l’histoire, les personnages, acteurs de l’histoire qui se déroule et qui peuvent acquérir des états plus ou moins favorables en fonction de vos choix. Des cartes objectifs vous guident pour savoir dans quelle direction chercher.

Une immense immersion

Lorsque vous effectuez une action sur un lieu, cela peut vous donner des informations sur l’histoire et vous faire piocher d’autres cartes pour avancer dans l’aventure. Parfois, des actions réalisées auparavant ont des conséquences sur les choix qui s’offrent à vous, ou sur la manière dont les gens vous perçoivent. Par exemple, demander de l’aide à une personne dont vous venez de voler les affaires risque d’être mal perçu.

De la même manière, certains états négatifs peuvent limiter vos possibilités d’actions ou vous obliger à une plus grande prudence afin d’éviter qu’ils n’empirent. Cela crée un véritable enjeu pour la survie et la réussite de la mission, sans pour autant laisser le hasard s’en mêler : ici pas de lancers de dés, vous êtes maître de vos choix et devez en assumer les conséquences.

Une très belle expérience de jeu

Le jeu fonctionne un peu comme un Point and click. La mécanique est mise de côté au profit de l’histoire et de l’expérience de jeu. Et au final, cela donne l’une de mes meilleures expériences de jeu narratif jusqu’à présent. Il n’y a aucun temps mort, il faut être observateur et stratège pour avancer au mieux, et le hasard n’a pas sa place. En étant suffisamment malin, il est possible d’éviter la plupart des « pièges ». J’aime cette impression de vivre une aventure dans laquelle mon esprit logique peut me tirer d’un mauvais pas, comme dans une enquête.

Cependant, cela ne veut pas dire que le jeu soit mou ou peu rythmé. Sans vous spoiler, vous devrez faire des choix cruciaux à certains moments de l’histoire, avec des possibilités d’actions limitées. Ces moments de tension apportent de la vie à l’aventure et renforcent l’immersion, on a vraiment adoré.

S’il est possible de rejouer le scénario pour découvrir les autres fins possibles, je ne pense pas que je le ferai. Par contre, je prêterai le jeu à mes amis et j’attendrai avec impatience d’entendre le déroulement de leur aventure, pour savoir comment ils s’en sont sortis et les choix qu’ils ont faits. J’ai hâte de découvrir les futures histoires qui seront développées dans cette gamme !

Disponible ici :

Prix constaté : 13.90 €

Test : Spirit Island extension Terre Fracturée

Test : Spirit Island extension Terre Fracturée

J’ai toujours été fan des comparaisons osées. Certes, des fois ça me pousse à révéler des secrets honteux, comme cette recette du cassoulet/huitres, que je ne détaillerai pas ici parce que je ne pense pas que le monde soit prêt. Mais avouez que, la plupart du temps, on comprend tout de suite de quoi on parle, et puis de toute façon vous n’avez pas le choix, c’est moi qui écris et vous qui lisez. Où en étais-je ? Ah oui, Spirit Island, et plus précisément la dernière extension sortie par Intrafin, Terre Fracturée. Croyez-moi ou non, mais découvrir Terre Fracturée après quelques parties du jeu de base, c’est comme s’apercevoir, après sué sang et eau pour grimper une petite corniche, qu’il y a tout un Mont Everest derrière. C’est terrifiant et exaltant à la fois. On a hâte de découvrir ce qui nous attend, toutes les nouveautés, comment on va aborder ces nouvelles difficultés. Et surtout, on a hâte de découvrir à quel point on va souffrir.

Pour rappel, retrouvez en cliquant sur l’image les critiques du jeu de base et de la 1ère extension :

Rengagez-vous qu’ils disaient !

Je ne vous ferai pas l’affront de rappeler en quoi consiste Spirit Island, nous sommes ici entre gens de bon goût. Je rappellerai juste que si le jeu de base offre déjà un puzzle d’un fort beau gabarit, avec ses notions de pouvoirs lents, pouvoirs rapides, ses éléments qui permettent de déclencher d’autres pouvoirs si on les combine correctement, ses adversaires et ses scénarios qui introduisent de nombreux twists dans le déroulé de la partie, voire carrément de nouvelles conditions de victoire ou de défaite, l’extension quasi obligatoire De Griffes et de Crocs vient compléter à merveille la proposition en introduisant les événements qui rajoutent un peu d’aléatoire, juste ce qu’il faut pour ruiner nos si jolis plans. Et quand on aboutit à un chef d’œuvre de gameplay, pourquoi vouloir absolument ruiner l’expérience en l’alourdissant ?

Sauf que l’idée de R. Eric Reuss est tout autre. Il ne s’agit pas ici de rajouter des couches de règles, des plateaux supplémentaires (même s’il y en a, avec des regroupements de régions qui génèrent des problématiques encore nouvelles) ou autre, mais plutôt de voir jusqu’où on peut tordre le principe même du jeu, jusqu’où on peut creuser dans le bac à sable qu’est Spirit Island avant de taper dans le béton. Et à en juger par le contenu extrêmement généreux de la boite, la mécanique de jeu est solide comme rarement, tant il est possible de la malmener sans la briser et perdre de vue ce qui rend ce jeu si incroyable. Ainsi, toute une ribambelle d’esprits plus étranges les uns que les autres viennent enrichir la collection déjà conséquente, des pouvoirs hyper différenciés et de nouveaux ennemis font leur apparition, et l’auteur se permet le luxe d’introduire les aspects, qui altèrent plus ou moins en profondeur les esprits présents dans la boite de base. Il s’agira des fois de corriger une faiblesse, ou de le rendre peut-être plus intéressant, mais le plus souvent le joueur devra repenser sa manière de jouer.

Same same, but different

Ainsi, lors de ma dernière partie, j’avais choisi d’expérimenter un nouvel aspect de l’esprit Jaillissement de la Rivière Etincelante, un esprit de la boite de base que je joue rarement, tout simplement parce que ses particularités ne me parlent pas plus que ça. Sa règle spéciale le fait considérer les régions marécages comme des sanctuaires, c’est intéressant parce qu’on peut se permettre d’éparpiller nos présences sans se fermer de porte en matière de pouvoirs. Mais c’est passif, et j’avoue préférer les esprits qui demandent de jongler avec plusieurs paramètres, qu’ils soient complexes ou non d’ailleurs. L’aspect « voyage » de cet esprit vient tout bouleverser, et ce juste en modifiant quelques lignes : ce ne sont plus les marécages qui sont automatiquement considérés comme des sanctuaires, mais les régions dans lesquelles il y a quatre Dahans ou plus, il revient alors au joueur de déplacer ses Dahans au début de chaque phase de croissance pour tirer parti de cette capacité. Tout d’un coup la complexité augmente, un troisième étage se rajoute au puzzle pouvoirs lents/pouvoirs rapides et le joueur devient beaucoup plus actif dans la gestion de l’esprit. Brillant.

C’est brillant, mais on reste sur du classique : certes les aspects permettent de renouveler l’approche des esprits existants, mais les mécaniques en jeu restent celles de la boite de base. Les nouveaux esprits, eux, changent carrément la donne. Je ne vais pas tous les lister, parce qu’ils sont tous plus étranges les uns que les autres et qu’ils mériteraient tous un article à part entière. Je vais juste en évoquer deux. Le premier vous amène à incarner l’esprit d’un volcan, et c’est l’un de mes préférés tant il est thématique. D’ailleurs il s’appelle Volcan Dominant l’Île, ça annonce la couleur. Un volcan, ça ne bouge pas, alors vos présences seront cantonnées aux régions montagneuses, et elles vont s’empiler forcément. Un volcan, ça fait monter la pression jusqu’à l’explosion, et vous aurez ainsi l’opportunité, au bout de quelques manches, de sacrifier vos présences pour infliger des dégâts monstrueux à tout le voisinage. Comme un volcan, voilà. On a donc un esprit résolument déséquilibré, qui abandonnera complètement certaines régions, mais qui possède une énorme de frappe si on survit jusque-là.

Maitre Reuss sur un arbre complètement perché

C’est le genre d’audace de gameplay qui me réjouit grandement, et Lueur Etoilée Cherchant sa Forme pousse le bouchon encore plus loin. Genre, dans l’espace. En lisant sa fiche, on réalise encore une fois à quel point ce jeu est hyper modulable, et rejouable à l’infini. La plupart des esprits demandent de choisir entre plusieurs options de croissance prédéfinies, comme gagner un pouvoir, poser une présence, récupérer les pouvoirs de sa défausse, et ainsi de suite. Lueur Etoilée invite lui le joueur à définir tout au long de la partie quelles seront les options de croissance qui lui seront offertes, quels pouvoirs innés il va régulièrement jouer, et évidemment il faudra faire des choix et écarter d’autres possibilités qui avaient l’air tout aussi réjouissantes. C’est l’esprit adaptable par excellence, et pour quelqu’un qui connait bien le jeu, il permet a priori de gérer n’importe quel adversaire, n’importe quel partenaire, n’importe quelle configuration. Sans parler de la rejouabilité, énorme, puisque lors d’une prochaine partie, on pourra tout à fait choisir d’emprunter un autre chemin de progression, parmi 16 possibles.

N’allez pas non plus penser que les esprits que j’ai passé sous silence sont moins intéressants, au contraire, il y en a pour tous les goûts, y compris les plus bizarres. Gestion de la temporalité, pouvoirs aléatoires, dégâts qui ne disparaissent pas d’une manche à l’autre, focus sur les éléments, chaque esprit de Terre Fracturée propose un challenge original et intéressant. Evidemment, l’extension vient également avec son lot de scénarios et surtout d’adversaires, qui proposent des puzzles différents, qui vont mettre l’accent sur la gestion des constructions, ou bien renforcer la défense des villages, et ainsi de suite. Cela oblige la plupart du temps à sortir de son schéma classique de gestion des envahisseurs, et l’échelle de difficulté très fine permet de se concocter un défi aux petits oignons. D’ailleurs, une fois qu’on y a goûté, aux adversaires, pas aux oignons, suivez un peu, il est difficile de retourner à une configuration sans, qui parait en comparaison un peu trop directe et même simple.

Venez, n’ayez pas peur…

Simple, Spirit Island ? D’accord, le mot est fort, et sans doute faux. Mais j’ai choisi en rédigeant cet article, de m’adresser à une toute petite niche, celle des joueurs qui ont osé franchir le pas et ouvrir la boite de Spirit Island, et qui ont aimé ça, et qui ont eu envie d’approfondir le concept et de se mesurer à plus dur, plus complexe, plus bizarre. A ces gens-là, je leur dis sans détour, foncez, c’est de la boulette. Et pour tous les autres ? Croyez-moi, j’aimerais écrire que n’importe qui peut jouer à Spirit Island, parce que le jeu n’est pas si compliqué à expliquer, et que les actions entreprises par les joueurs ont des conséquences souvent immédiates. Mais je sais que certains resteront complètement réfractaires. Et pour ceux qui n’ont pas encore essayé, je ne peux que leur conseiller de se mesurer à la boite de base, et s’ils ne sont pas parti en courant, de découvrir la richesse de Terre Fracturée. On atteint là l’un des summums de l’expérience solo ou coopérative en jeu de société.

Disponible ici :

Prix constaté : 63 €