Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.
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Les jeux vidéo, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Jeux de rôle, d’aventure, de civilisation, de sport, mettez-moi un clavier ou une manette entre les mains et je suis ravi. Pourtant, Borderlands, bien qu’il ait eu son quart d’heure de gloire, je n’y ai jamais touché. Le côté iconoclaste pas vraiment subtil et l’humour hyper gras, ça me fait plus fuir qu’autre chose. Mais au Labo des Jeux, on laisse les états d’âme au vestiaire, alors j’ai ouvert la grosse boite Borderlands : L’Arène des Brutasses de Monsieur Torgue (on en a vraiment plein la bouche) avec l’esprit ouvert et un verre d’aspirine à la main.
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Le bizarre, l’idiot et le brutal
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Il faut dire qu’il s’agit de l’un des livres de règle les plus mal branlés qu’il m’ait été donné de lire. Attention, la traduction française n’est pas à remettre en cause, le mal était déjà fait dans la langue de Shakespeare. Il ne s’agit pas seulement de qualité rédactionnelle ou de l’agencement du livret, même si ça y participe. Certains choix de design laissent carrément sans voix et pas mal de cheveux dans la poigne. Mais pour que vous puissiez partager ma peine, et me plaindre de tout votre cœur, il va d’abord falloir que je vous explique de quoi il retourne.
Borderlands est donc un jeu coopératif qui se joue forcément avec quatre personnages sur le plateau, peu importe le nombre de joueurs autour de la table. De manière similaire à Death May Die ou Zombicide, le scénario choisi propose une carte prédéfinie à base de tuiles modulables, un objectif spécifique, un certain nombre de monstres assoiffés de notre sang, et des événements qui vont survenir à la fin de chaque manche. A nous de survivre en se déplaçant, en interagissant avec des éléments du décor et surtout en utilisant tout l’arsenal à disposition pour génocider à tour de bras du sadique et du goliath sanguinaire brutal. Oui, Borderlands fait dans la finesse, mais on était prévenu.
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Les sous-doués écrivent des règles
Tout cela se gère à l’aide des jetons action des personnages, première bonne idée du jeu, et également point de départ des emmerdes. Ces jetons peuvent être de trois couleurs, verte, jaune ou rouge, et chaque couleur correspond à un dé que le joueur va devoir lancer dans certains cas de figure pour déterminer si l’action est réussie. Le dé vert étant un d12, la probabilité d’obtenir une valeur haute sera plus grande qu’avec le dé rouge, qui est un d6. Au joueur de décider quelle couleur il utilise pour quelle action, notamment pour réaliser des actions d’attaque. Et c’est là que le bât blesse.
En effet, les armes équipées ont également ce code couleur vert, jaune, rouge. Mais il est cette fois-ci uniquement utilisé pour indiquer la portée de l’arme. Une arme rouge, qui ne permet donc de cibler que la case du personnage ou les cases adjacentes, peut très bien être utilisée en lançant un dé jaune ou vert. Hein ? De quoi pardon ? Et le pire, c’est que la règle ne prend jamais le temps d’aborder le point. Il a fallu faire un tour dans les forums de Boardgamegeek pour trouver une réponse claire à la question. De façon générale, le texte et les icônes présents sur les cartes laissent à désirer, avec cette iconographie absconse, le fait d’utiliser la même icone ou presque pour signifier un dégât ou un coup critique, ou encore des capacités spéciales qui font référence à des mots clés sans les citer textuellement. A quoi bon faire un glossaire dans ce cas ?
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Action, réaction, clé à molette double-pénétration
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Mais on peut espérer passer outre et profiter du jeu une fois les règles remises à plat, et c’est vrai que le jeu a quelques idées en stock qui marchent bien et sont de plus assez originales. Ainsi, lorsqu’un joueur est blessé, il doit remplacer le jeton qu’il a choisi pour se défendre par un jeton rouge : petit choix cornélien, et donc délicieux, entre choisir le dé vert, avec une probabilité de défense réussie plus haute, au risque de passer d’un d12 à un d6, ou choisir le dé jaune. Il y a également la possibilité, s’il nous reste des jetons non utilisés lorsque vient le tour des ennemis, de réagir à la survenance d’une blessure, mais cela se révèle finalement assez anecdotique, vu qu’il est souvent plus intéressant d’utiliser tous ses jetons avant que les méchants s’activent. Et puis y a le butin carrément généreux, de manière assez fidèle à la saga vidéoludique, qu’on obtient à chaque fois qu’un ennemi est éliminé, et qui permet de se soigner, de recharger ses armes, voire de s’équiper en cours de partie, ou même carrément de monter de niveau si on de la chance. Ou alors vous pouvez choisir de les économiser et de les convertir en cash pour la phase d’équipement entre deux scénarios.
En effet, autre chouette idée, à la fin d’une partie, les joueurs se voient donner l’occasion d’améliorer leurs personnages en achetant de nouvelles armes, boucliers ou modules aux capacités passives, et en montant de niveau. Puis on enchaine avec tel ou tel scénario, suivant qu’on aura gagné ou perdu, dans le cadre d’une mini-campagne qui se termine par une confrontation finale avec le gros boss envoyé par Monsieur Torgue pour nous apprendre la politesse. Cela donne un fil rouge appréciable, et un paramètre supplémentaire à prendre en compte quand on dépense en cours de partie l’argent de départ ou le butin récupéré sur les cadavres fumants et nombreux de nos ennemis. La rejouabilité s’en voit également renforcée puisqu’on doit choisir en début de campagne quel arbre de compétence on souhaite parcourir lors de nos montées de niveaux. Ce n’est d’ailleurs pas du luxe vu qu’il n’y a que quatre héros dans la boite de base. Personnellement, je suis toujours très fan des jeux qui permettent de faire monter en puissance son personnage, et ça aurait presque pu justifier de relancer une campagne une fois la première terminée.
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Insérer ici truc drôle et irrévérencieux
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Presque, parce que malgré ses deux ou trois trouvailles, le jeu manque un peu de fun, alors qu’il en avait fait son étendard. Le hasard du butin et la résolution des actions beaucoup trop aléatoire peuvent aboutir à des tours un peu longuets et vraiment arides pendant lesquels il ne se passe pas grand-chose, parce que tous les lancers auront échoué, ou bien parce qu’on n’a rien pour recharger nos armes. Bien sûr, de nombreux autres jeux requièrent de lancer des brouettes de dés, alors qu’est ce qui fait qu’ici ça ne marche pas aussi bien ? Par exemple l’impossibilité de relancer l’unique dé d’action et la manière de déterminer un succès, qui nous écartent d’un Death May Die tout aussi tributaire de l’aléatoire mais mieux équilibré, et nous rapprochent plus d’un Townsfolk Tussle de sinistre mémoire. Les différents scénarios auraient pu relever un peu la sauce en proposant des configurations ou des mécaniques un peu originales, mais tout cela reste assez basique : moi voir monstre, moi taper monstre, moi voir truc qui brille, moi prendre truc qui brille et taper monstre qui passait par là. Le panel d’actions à disposition est plutôt restreint et les cartes des scénarios ne permettent pas vraiment de faire émerger de nouvelles situations ou manières d’utiliser nos personnages.
Si Asmodée n’avait pas envoyé le jeu, je n’y aurais sans doute jamais joué, tout simplement parce que la licence ne me parle pas. Mais pour ceux qui ont grandi avec le jeu vidéo Borderlands, le jeu a un charme certain, surtout lors de la phase de découverte et les premiers scénarios, quand on se familiarise avec les mécaniques plutôt sympas, qu’on découvre ou redécouvre le lore un peu décalé et les armes et personnages maintes fois rencontrés sur console ou PC, et qu’on customise petit à petit notre vaillant Chasseur de l’Arche. Puis le soufflé retombe et la magie se dissipe, notamment parce que l’univers n’est pas si barré que ça et parce qu’enchainer 6 scénarios avec les mêmes personnages amène à réaliser que, certes, le contenu est pléthorique, mais il est finalement peu différencié et la routine s’installe assez vite. En fin de compte, une ou deux fulgurances ne suffisent pas à faire un bon jeu. Et j’ai envie de dire, tant mieux.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur que nous remercions.
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Xylia, le lézard courageux, passe la corde de son arc en travers de la poitrine, et vérifie une dernière fois son carquois. Bethras, la grenouille malicieuse, bondit d’excitation et raconte à qui veut l’entendre à quel point elle est impatiente d’entamer l’aventure qui attend notre fière bande de héros. Sha’vi, le sage renard, se tient silencieux à l’écart du groupe et médite, entouré d’une aura bleutée et envoutante. Klethor, le puissant scarabée (Hein ?), vérifie une dernière fois la missive royale qui leur demande urgemment de se débarrasser du démon qui sévit dans la Forêt d’Emeraude. L’heure est grave, mais nos amis savent qu’ils vaincront car le Bien triomphe toujours. Alors, le sourire aux lèvres, et l’espoir en bandoulière, ils s’enfoncent entre les arbres, laissant derrière eux la clairière ensoleillée où ils avaient établi leur camp. Bientôt, plus rien ne trouble la quiétude environnante, si ce n’est le pépiement des oiseaux et le vent qui caresse gentiment l’herbe haute. Ah si, on entend assez vite les hurlements horrifiés de nos pauvres petites bêtes, ponctués des craquements d’os qu’on brise et du chuintement humide d’un ventre qui s’ouvre en deux. Happy Tree Friends peut aller se rhabiller, Explorers of the Woodlands repousse le massacre champêtre un cran plus loin.
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Il était une fois quatre héros vaillants…
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Ne vous laissez pas abuser par la direction artistique toute choupinou et le 10 ans et plus de la boite. On aurait pu croire à un successeur de Karak pour enfants un peu plus aguerris, et la possibilité de se balader dans la forêt plutôt que dans des catacombes sinistres ainsi que la dimension coopérative avaient un certain attrait. Le problème, c’est qu’Explorers of the Woodlands n’autorise aucune fantaisie ni marge de manœuvre, et à moins de garder tout le monde bien collé-serré, vous allez vite souffrir et retourner la table de frustration (Astuce des pros : jouez sur une table en contreplaqué, l’effort sera moindre qu’avec du chêne massif.). Pas question de partir chacun dans son coin, ou de tenter d’avoir son moment de gloire, bienvenue dans l’exploration de donjon à la soviétique. Tout pour le collectif ! Mais je vous sens dubitatif, alors je vous invite à me suivre entre les ronces acérées et les tanières inquiétantes. Ne vous inquiétez pas, dans les bois, personne ne vous entendra crier.
Chacun se voit donc attribué l’un des quatre personnages disponibles, qui pourra légèrement évoluer pendant le scénario, et s’équiper avec un peu de chance. Les différentes bestioles ont clairement des profils différents, ce qui les rends plus aptes à certaines tâches qu’à d’autres. Il y aura le soigneur, le tank lourdeau, vous connaissez la chanson. Les tours de jeu s’enchainent rapidement : avant la phase d’action à proprement parler, chacun pose d’abord une nouvelle tuile pour agrandir le terrain, un moment plutôt tranquil… MAIS SURTOUT PAS MALHEUREUX, POURQUOI TU L’AS MIS LA, T’ES FOU, TU VEUX MA MORT ? Ouais, la pose doit obéir à certaines règles primordiales, tant le chrono est serré : en effet, dès que les joueurs ne peuvent plus poser de tuile, le boss est révélé et il ne reste souvent plus que deux manches pour lui régler son compte, sa jauge de menace se remplissant très rapidement. Si les joueurs sont à l’autre bout de la carte à ce moment-là et, pire, s’ils sont éparpillés, vous pouvez déjà dire adieu à la victoire, à moins d’une chance incroyable aux dés.
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Qui trébuchèrent sur une ronce, la faute à pas de chance
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Oui, tout repose sur les dés, beaucoup plus que dans la plupart des dungeon crawlers. Certes, que ce soit dans Descent ou Death May Die, on lance des brouettes de dés, et j’adore ça. Mais les actions qui nous amènent à ces lancers (se déplacer, se soigner, se préparer au combat) ne sont pas tributaires d’un jet de dé. Ici, c’est le cas, et ça peut être carrément frustrant. Lorsque vient le tour d’un joueur durant la seconde phase d’une manche, il lance 4 dés et doit ensuite les attribuer à des actions de son plateau personnel, en fonction des chiffres qu’il a obtenus. Un dé figurant 1, 2 ou 3 permettra de se déplacer, un 4 ou plus permettra d’augmenter sa jauge de mana, vous avez compris l’idée. On ne peut relancer qu’une seule fois les dés, et je vous laisse imaginer donc le potentiel de crispation si par exemple vous n’obtenez que des chiffres supérieurs à 3. Bloqué sur place, il y a de grandes chances que votre tour ne serve à rien, surtout que la plupart des emplacements n’acceptent qu’un dé maximum par tour.
Et pourtant, il y a du pain sur la planche pour espérer se présenter devant le boss avec une chance raisonnable de victoire. Cela passe nécessairement par l’acquisition d’équipement, que ce soit à la taverne ou sur des tuiles aléatoires après avoir occis les monstres du coin, et par le déblocage des 2 pouvoirs passifs de son personnage. Ces capacités s’acquièrent en dépensant des orbes, qui se récupèrent via l’extermination des susmentionnés monstres, l’utilisation d’au plus un dé d’action par manche, ou encore l’exploration hasardeuse, qui consiste à se déplacer sur une tuile non encore révél… MAIS T’ES DINGUE ! TU VEUX QU’ON SE FASSE OUVRIR EN DEUX AU COUTEAU A BEURRE ? T’EN AS MARRE DE LA VIE ? Grossière erreur mes petits castors, la marge de manœuvre est tellement faible que poser une tuile au hasard peut déclencher bien des catastrophes. On se concentre donc sur le génocide de monstres pour faire progresser nos personnages, lors de combats drôlement punitifs pour un jeu qui renvoie une image plutôt enfantine. En effet, si on ne parvient pas à faire en un seul jet de dés autant de dégâts que le nombre de point de vie du monstre, l’attaque est annulée et on prend dans la tronche des dégâts en retour et une pénalité de surcroit, comme perdre un orbe par exemple.
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Et finirent la tête la première sur le katana acéré d’un monstre Champignon
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Ouais, ça picote, et j’ai des potes à la déveine chevillée au corps qui ont passé de très mauvais moments dans cet enfer sylvestre. Il faut dire que le jeu est bien décidé à nous faire comprendre que se séparer est une très mauvaise idée, et il y va au marteau-piqueur. En effet, si une attaque classique se fait en jetant un seul dé de combat, dès que d’autres héros nous accompagnent, on jette au moins autant de dés qu’il y a de héros sur la tuile, ce qui augmente significativement les chances de toucher et d’éviter des représailles sanglantes. J’avoue que le concept me parle, j’aime l’idée qu’un groupe est plus fort que des individualités. Malheureusement, cette épiphanie miniature se prend aussitôt un grand coup de hache par l’ordre du jeu, parce qu’il est fixe, et parce que le premier joueur est toujours le même manche après manche. C’est se tirer une balle dans le pied parce que deux héros (Sha’vi, Kletor) sont clairement faits pour jouer les têtes de pont, et qu’il aurait été beaucoup plus intéressant stratégiquement qu’ils soient les premiers à jouer lors de certaines manches.
Alors il faut collaborer étroit… CHUUUUT…. TAIS-TOI, LAISSE-MOI FAIRE, METS-TOI DANS UN COIN ET REGARDE JOUER LES PROS. Ah tiens, voilà le joueur alpha qui arrive avec ses gros sabots et son clairon. Forcément, tout dans ce jeu pousse à gérer le groupe de héros comme une seule entité et à éliminer les décisions individuelles. Où poser les tuiles piochées, qui utiliser comme chair à canon, qui envoyer à la taverne pour récupérer une armure ou un bâton de magie, le jeu est tellement tendu et punitif qu’il faut rationaliser au possible et les loups solitaires ont vite fait de plomber les chances de succès. Je recommande du coup de jouer à ce jeu uniquement en solo, ou à la rigueur à deux, mais en gérant les quatre héros. Oubliez ce que dit le livret de règle, ce n’est pas bien compliqué de jouer deux personnages de plus, on évite d’attendre trop longtemps son tour et le syndrome du joueur qui décide pour tout le monde disparait. Cela rend le jeu jouable, mais n’espérez pas qu’Explorers of the Woodlands devienne soudainement un petit bijou. Il reste très punitif, et on a tendance à toujours suivre la même feuille de route, notamment lors du placement des tuiles. Pas question de faire dans la fantaisie, on trace sa route en ligne droite, en mettant de temps à autre sur le côté les tuiles qui n’apportent rien, et en visitant les tuiles qui rapportent du loot et des orbes.
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Ils vécurent très malheureux et pleurèrent tous leurs membres en moins
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Je ressors ensanglanté de ma promenade sous les frondaisons, et couvert des viscères de mes amis, mais surtout je ressors frustré et déçu. Les illustrations d’Explorers of the Woodlands sont de qualité, j’adore le petit format de la boite, les mécaniques sont vites assimilées, le jeu avait tout pour me plaire. Je salivais déjà à l’idée d’y jouer avec mes enfants. J’ai malheureusement découvert un brouillon de dungeon crawler, hyper directif, avec des choix de game design incompréhensibles et un équilibrage inexistant. J’aurai pu le garder pour les fois où j’ai envie de jouer en solo, et puis les meeples sont vraiment très mignons, mais le jeu ne se renouvelle pas vraiment d’une session à l’autre, avec seulement quatre héros disponibles et aucune place laissée à l’improvisation. Bref, passez votre chemin, vous ne raterez pas grand-chose et votre cardiologue vous en saura gré.
Certains passent des années à chercher LA montre parfaite, le meilleur tournevis six-vitesses ou encore le rouleau à pâtisserie de leurs rêves. Je ne juge pas. Et puis il en y a qui cherchent le dungeon crawler qui comblera toutes leurs attentes. Petit rappel pour ceux qui ne vivent pas dans une grotte, les dungeon crawlers offrent le plaisir incomparable d’explorer les couloirs humides et malfamés d’un univers d’heroic fantasy à la recherche de trésors et d’artefacts légendaires, en trucidant l’entière population de Monstreville au passage. C’est donc un genre très spécifique de jeu de plateau, mais qui a toujours eu ses fans : le 1er Descent a été publié en 2005, et les tous premiers jeux à mettre en place le concept datent des années 80. Avance rapide en 2022, l’offre est devenue pléthorique : Descent en est à sa 3ème édition, Gloomhaven a fait un carton sur Kickstarter et on entrevoit son successeur Frosthaven, et chacun a maintenant son titre fétiche qu’il défendrait bec et ongles. Le mien, c’est Chronicles of Drunagor : Age of Darkness (mais il aime bien qu’on l’appelle juste Drunagor).
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Ndlr : Thibault a participé à la traduction des règles, en accord avec l’éditeur. Voici un lien vers trois Google Docs : l’Adventure Book (intros et fins de chapitre), l’Interaction Book, et l’ensemble des portes de la campagne; et le livret de règles au format pdf. Et suite à la critique de Thibault, nous avons eu la confirmation par Intrafin qu’ils s’occupent bien de la localisation actuellement, mais cela prendra du temps ! ^^
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Il était une fois, en 2019
Drunagor est issu d’une campagne Kickstarter menée par le studio Creative Games Studio en novembre 2019 avec une certaine réussite (500k€ récoltés pour 40k demandés). Derrière on retrouve les auteurs Daniel Alves et Eurico Cunha, et les artistes Marcela Bastos et Eduardo Cavalcante, avec une promesse ambitieuse : une vingtaine de héros jouables, une campagne épique d’une quarantaine d’heures, 4 extensions plus ou moins longues, une quinzaine de monstres, des niveaux en 3D, il y a de quoi faire et du matériel pour remplir 3 boites. La livraison était prévue pour février 2021 et tout le monde a bien rigolé, surtout quand une pandémie mondiale nous est tombée sur le coin du nez. Et puis les jeux ont été effectivement livrés début 2021, et soudain plus personne ne se moquait. Nous étions trop occupés à en prendre plein les yeux.
J’évacue très rapidement les deux modes alternatifs qui n’apportent pas grand-chose : la possibilité de jouer les chapitres de la campagne en mode « one-shot » avec un système de montée en compétence/équipement pendant le chapitre qui ne fonctionne pas très bien – on finit assez rapidement par rouler sur le jeu ; et la possibilité d’affronter un autre joueur sur des cartes dédiées. Voilà, ça, c’est fait, passons plutôt au cœur du jeu.
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Mon royaume pour un d20
Voici donc un dungeon crawler – uniquement en VO mais avec une traduction Française fanmade – qui propose une campagne pour 1 à 5 joueurs, à partir de 14 ans (ce qui me parait tout à fait correct), et composée de 18 chapitres, chaque chapitre prenant entre 2 et 3 heures pour en venir à bout. De manière assez classique, chaque joueur choisit son personnage mais aussi son rôle (défenseur, attaquant, soutien, etc…) et l’assemblée s’embarque dans une aventure qui la fera voyager à travers les paysages glacés de Hel, les mines du Roi des Nains ou les terres Draconiennes d’Ignyspira. Le jeu s’adapte plutôt facilement à la taille du groupe (même si je recommanderai un groupe de 4-5 joueurs) en jouant sur le nombre et le niveau des monstres à affronter. Il est donc aisé d’ajouter ou d’enlever un participant en cours de campagne. C’est d’ailleurs l’un des maitres mots du jeu, la simplicité : pas de ligne de vue à gérer, un seul d20, une initiative fixe, une IA des monstres hyper basique et une montée d’eXPérience automatique et rythmée par la narration. Comme si les auteurs avaient passé en revue leurs dungeon crawlers préférés et avaient trié : « Ça on garde. », « Ça on jette très très loin. ».
Mais ce n’est pas pour autant que le jeu est simpliste. Certes, les monstres vont se contenter de cibler le personnage avec le plus de points de vie ou tenter de maximiser le nombre de cibles qu’ils peuvent atteindre. Et, comme déjà évoqué, il n’y a pas de ligne de vue. Mais le gameplay est au final plutôt malin : quand vient son tour, le joueur peut se déplacer et effectuer deux actions, qui consistent à activer l’une de ses capacités à l’aide d’un cube de couleur adéquat. Chaque couleur de cube correspond à une portée : jaune pour la mêlée, rouge pour la distance, etc…, et cette gestion de la distance remplace avantageusement les calculs alambiqués de qui voit qui. Il y a également une gestion de l’attrition qui n’est pas sans rappeler Gloomhaven : la capacité utilisée devenant indisponible une fois le cube posé, il faudra attendre d’avoir récupéré tous ses cubes pour pouvoir l’utiliser de nouveau. Et comme on a que 5 cubes au début de l’aventure, le moment fatidique survient rapidement, avec son cortège de cubes noirs « maudits » qui viennent bloquer une capacité au choix jusqu’à ce que le joueur arrive à s’en débarrasser (ou finisse par y succomber). Et il y a donc des contraintes, mais il est possible d’en jouer, et cette flexibilité rajoute au plaisir.
Le plaisir est l’autre grand mot que les auteurs avaient dû entourer vigoureusement lors de leurs séances de brainstorming. Plaisir de manipuler des figurines d’une qualité très correcte et de feuilleter des illustrations magnifiques. Plaisir de jouer de véritables héros capables de prouesses légendaires. Plaisir de se balader dans un environnement en 3D, avec une gestion de la verticalité. Plaisir de découvrir l’histoire petit à petit, avec des portes (en papier glacé) que l’on doit ouvrir (déplier) pour connaitre la suite du chapitre, mais aussi avec des interactions qui nous font rencontrer des personnages hauts en couleurs via une petite séquence de Livre dont Vous êtes le Héros. Plaisir de faire progresser son personnage à chaque fin de scénario, en gagnant de l’équipement, des capacités ou des améliorations passives liées à sa classe (Paladin, Sorcier, Guerrier, Assassin, etc…).
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Il n’y a pas grand-chose de pourri dans le monde de Daren
Tout n’est pas parfait cependant. Tout d’abord, il est clair qu’il a manqué du temps aux auteurs pour finir la relecture et plusieurs fois l’histoire – purement linéaire, on est loin d’un Tainted Grail ou même d’un Gloomhaven – connait quelques hoquets, entre la clé obtenue de haute lutte qui n’ouvre rien ou le titre (un statut permanent) acquis pendant un précédent chapitre et plus jamais utilisé. Les interactions sont également un peu décevantes, avec des résolutions improbables ou injustes et des récompenses vraiment maigres. On peut également citer un faible nombre de monstres, ce qui donne le sentiment de toujours affronter les mêmes, et un niveau de difficulté mal équilibré : si l’on respecte le nombre de joueurs et la mise en place standard, c’est trop facile, si on utilise le mode « Darkness » (disponible sur un site Internet via un système de QR Codes) la marche devient trop haute pour le groupe qui n’a pas optimisé chaque personnage. Le système est là, le gameplay fonctionne très bien, mais le jeu n’en exploite pas toute la richesse.
La bonne nouvelle, c’est que la plupart des retours ont été pris en compte par Creative Games Studio, qui a profité de la campagne GameFound pour l’extension Apocalypse pour proposer une réécriture de la 1ère campagne : nouveaux scénarios, nouvelles interactions, nouveau butin plus pertinent et plus immersif, nouveaux comportements des monstres, nouvelle difficulté, et quelques petits ajustements dans les règles pour rendre l’expérience plus intense et en même temps plus fluide. Le module Tabletop Simulator officiel et des fichiers Print ‘n Play permettent de mesurer le travail réalisé pour les 6 premiers chapitres. C’est un nouveau Drunagor et il a la classe avec ses lunettes de soleil et son cuir. Quant à l’extension Apocalypse, elle introduira de nouvelles classes, tout un tas de nouveaux monstres et quelques ajouts de gameplay (avec notamment la possibilité d’utiliser le mobilier à notre avantage). C’est également la suite de l’histoire et certains hauts faits accomplis pendant la 1ère campagne auront leur répercussion dans la suivante.
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Une mort certaine. De faibles chances de succès. Mais qu’attendez-vous ?
Les Dungeon Crawlers, c’est comme les sous-vêtements : chacun a sa préférence et, en la matière, les goûts et les couleurs ne se discutent pas vraiment. Néanmoins, certains (les DC, pas les sous-vêtements, suivez un peu) concrétisent évidemment mieux leurs intentions que d’autres. Drunagor se voulait fun, riche, immersif et malin, et force est de constater que le pari est réussi. Les personnages ont une classe folle, avec des approches bien différentes et chacun ses talents, et donnent envie de tous les essayer. Le système de jeu est immédiat, facile à prendre en main, mais propose également un challenge très satisfaisant. La puissance de feu des monstres oblige à l’entraide, et chacun aura assez naturellement son quart d’heure de gloire. L’emballage est tout à fait plaisant même si l’univers reste très classique. L’histoire n’a évidemment pas le souffle épique d’un Tolkien, mais change agréablement des ambiances ultra glauques en vogue et se dévoile avec plaisir, que ce soit via les interactions, les portes à déplier ou les introductions et conclusions de chaque chapitre.
Et surtout, il y a beaucoup de gourmandise : une dizaine de classes différentes à tester et même à associer, le double de personnages, de l’équipement à foison et suffisamment de capacités à débloquer pour ne pas pouvoir en faire le tour en une seule campagne. Cette générosité dans la récompense nourrit l’envie de faire évoluer son personnage et joue beaucoup dans le désir de continuer la campagne.
La conséquence évidente de cette profusion de contenu, c’est la place prise par le jeu (comptez une bonne case de Kallax) et le prix, ce qui en fait un vrai jeu de niche. Mais pour les joueurs qui ne jurent que par le sacrosaint d20, Creative Games Studio a brillamment gagné ses galons avec Chronicles of Drunagor : Age of Darkness, et la seconde campagne de financement – via GameFound et toujours accessible aux late pledges – a été l’occasion de mettre les petits plats dans les grands : en plus du reprint (et de la réécriture) d’Age of Darkness et des deux nouvelles aventures d’Apocalypse, des localisations en français (assurée par Intrafin), espagnol et allemand ont été annoncées. L’occasion, peut-être, de voir apparaitre le jeu en boutique l’année prochaine et de mettre la main sur un fier représentant de ce genre si particulier.
Voilà à Kickstarter que je n’avais pas vu arriver mais qui m’a tout de suite attiré! Au programme:
Exploration d’un donjon qui se révèle au fur et à mesure que l’on ajoute des tuiles.
Une direction artistique tip top avec quelques figs, mais pas des kilos non plus! Juste ce qu’il faut!
DE L’INTERACTION!!! En gros des croches-pieds lors de l’exploration, des possibilités de voler les cartes de l’adversaire, de l’espionner etc…
Une condition de victoire hasardeuse avec des bonus ou malus qui se déclenchent uniquement lorsque le joueur qui tente de finir la partie jette un œil aux conditions de fin. On a possibilité de regarder la carte pendant la partie pour anticiper, mais il faut débloquer l’action.
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Bref ça me botte! Alors on y va:
C’est The Ludus Magnus Team et ses auteurs Diego Fonseca et Danilo Guidi qui s’occupent de ce jeu. Leur idée était de créer un dungeon-crawler atypique où il faudrait étudier le monstre, et non le tuer! Les illustrateurs sont nombreux: Giovanni Pirrotta et Simone de Paolis, Riccardo Crosa (Rigor Mortis), Andrea Parisi (Marvel, Star Wars) ou bien encore Matteo « Policromo » Perilli (Black Board Editions). Fernando Armentano et Tommaso Incecchi se sont chargés des superbes figurines (38 mm)!
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A noter que Don’t Panic Games s’occupera de la traduction et de la localisation du jeu en France. On retrouvera donc le jeu dans une version plus basique dans les boutiques!
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Dungeonology: The Expedition nous place dans la peau de savants invités par le doyen de l’université de Rocca Civetta pour une mission particulière: Délivrer la meilleure thèse d’étude d’une race mystérieuse vivant dans un donjon tenu à l’écart.
Vous serez mis en compétition avec d’autres savants et seul l’un d’entre vous l’emportera!
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On passe en salle d’imagerie pour voir à quoi ça ressemble:
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Comment on joue?
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Pour explorer le donjon et les différentes pièces qu’il renferme, vous aurez à disposition votre personnage avec sa propre compétence, des étudiants qui vous serviront de renforts sur le terrain, des cartes ruse qu’il faudra utiliser au bon moment, une valeur de vitesse de votre personnage indiquant de combien de pièces vous pouvez vous déplacer à chaque tour, et enfin une roue des études (j’ai pas trouvé mieux pour la traduction j’ai fait ça vite 😉 ) qui sera déplacée dans un sens bonus ou dans un sens malus au cours de la partie.
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Un exemple de compétence de personnage: vos adversaires piochent une carte ruse. Si la carte est de tel ou tel type, volez un cube d’information à ce joueur.
Pas mal d’interaction au programme à priori, ce qui est plutôt bon signe!
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Vous récolterez des points de différentes manières dans ce jeu, dans l’objectif de soumettre sa thèse à un moment dans la partie. Pour pouvoir espérer l’emporter, il faudra que cette thèse soit suffisamment solide, et donc que vous ayez récolté des cubes d’information de différents types.
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Un joueur pourra dans son tour effectuer 1 action parmi les suivantes:
Tenter d’étudier la zone et de collecter les cubes d’info qu’elle contient (+ vous en voulez, + la valeur d’alerte de la zone sera élevée. A savoir que les cubes récoltés par les joueurs dans les zones ne sont pas réapprovisionnés ensuite, il y aura donc une course à l’information qui convoiteront certainement des cubes de même couleur pour leur plateau individuel. Pour cela, on compare la valeur de furtivité du savant à la valeur d’alerte de la zone (différente selon les zones). Ces valeurs sont modifiées par les cartes ruse que les joueurs ont en main et qu’ils peuvent jouer à certains moments, la roue des études de chaque personnage, etc… Si la valeur du savant est supérieure ou égale, le ou les cubes sont collectés et placés sur le plateau individuel. Ils augmentent ainsi les points du joueur et font évoluer la roue des études dans le sens des bonus.
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Espionner un adversaire et essayer de lui voler des cubes. En sacrifiant vos fidèles étudiants et en comparant les valeurs des types de cubes déjà en votre possession, avec ceux d’un joueur adjacent sur le plateau, vous pourrez lui voler des cubes pour les ajouter à votre plateau.
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Jouer une action principale d’une carte ruse. Les cartes ruse sont de différents types (subterfuges pour réussir les tests de furtivité et voler des cubes aux adversaires, sociales pour obtenir l’aide des autres savants ou les convaincre de vous donner des cubes, destin pour obtenir un bonus de furtivité, exploration pour faciliter les mouvements et poser des pièges, magie pour lancer des sorts, notoriété pour agir sur les actions des adversaires) et génèrent un bonus de furtivité, une action principale et des actions complémentaires.
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Les étudiants sont envoyés par l’université pour aider les savants dans leur tâche. Certains effets de la partie exigent de les sacrifier. On va piocher des étudiants dans un sac dans lequel sont aussi placés des étudiants maudits qui vont empêcher les savants de poursuivre leurs recherches. Ils ont aussi pour effet de faire fuir les autres étudiants, vidant la réserve disponible jusqu’à ce qu’on vienne la réalimenter.
Le savant qui a pioché un étudiant maudit récolte une carte poisse (qui agit comme un malus), et augmente le niveau d’alerte du donjon. Au bout de 5 étudiants maudits, cela a pour effet de lancer les habitants du donjon à la poursuite des savants afin de les chasser, et déclencher le compte à rebours de fin de partie, qui arrivera sous peu.
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Les joueurs auront la possibilité de se reposer durant leur tour pour défausser 1 carte malchance, défausser leur main et repiocher des cartes ruses, se repositionner sur la tuile centrale de départ, recharger leur nombre d’étudiants jusqu’au nombre de départ de leur perso.
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Pour l’emporter, les savants devront donc éviter les pièges et collecter des cubes d’informations pour étudier la race mystérieuse. Elle est représentée par une carte clan face cachée, qui applique des bonus ou malus aux différents types de cubes (disponibles en 5 couleurs). Une fois qu’un savant soumet sa thèse, il a alors accès à cette carte et calcule son score, en fonction des bonus et malus de la carte clan. La partie est alors terminée pour lui, il déclenche le compte à rebours de fin de partie, et attend de pouvoir comparer son score à celui des autres.
Durant la partie, un joueur peut appliquer l’effet du combo de connaissance (en récoltant tel ou tel type de cubes différents) pour avoir accès à la carte clan, et donc anticiper les bonus et malus de fin de partie.
Les cubes placés sur les plateaux individuels prennent place sur des pistes de score qui correspondent à des PV, mais aussi permettent de débloquer des étoiles, indispensables pour soumettre sa thèse. L’obtention d’une étoile déclenche aussi l’exaltation des autres savants qui jouent jusqu’à l’obtention d’une nouvelle étoile avec des caractéristiques boostées, histoire d’équilibrer un peu la balance.
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On est donc dans un sympathique Dungeon-crawler, où le but n’est pas de défourailler des monstres, mais bien d’étudier une race mystérieuse, récolter des infos tout au long de notre périple, éviter les pièges des zones du donjon, les pièges tendus par les adversaires aussi!, et ne pas trop déranger les habitants, ne pas trop se faire remarquer, ne pas déclencher le boss qui ne se privera pas d’essayer de vous jeter dehors, pour en sortir avec une thèse solide, bien étayée et de taille à impressionner le doyen de l’université!
Le thème est très sympa, les illustrations et les figurines splendides, le combo exploration/révélation du donjon au fur et à mesure, avec quelques crasses possibles entre les joueurs est alléchant! Chaque personnage aura ses propres armes et compétences, et assisté de ses étudiants sacrifiables, il devra être le plus malin!
Un peu d’aléatoire en tirant les zones du donjon au fur et à mesure de l’exploration, en tirant des cartes ruses qui alimenteront les mains des joueurs pour les jouer durant leurs actions, ou en réaction aux événements. La pioche des étudiants dans un sac opaque et la possibilité de piocher les étudiants maudits qui vont apporter leur lot d’embûches avant d’éventuellement déclenche la fin de partie.
Prix du pledge standard (boite de base + SG): 79€ hors fdp
Pledge deluxe (boite de base + SG + extension): 105€ hors fdp
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C’est pas donné (loi de là) mais de nombreux SG intéresssants sont proposés, il faudra voir comment évolue la campagne, ou attendre la sortie de la boite de base sans les figurines dans les boutiques!