“Vous êtes quand-même un peu des adulescents, non ?”
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La sentence est tombée comme un couperet avec, dans le rôle du bourreau, la compagne d’un ami joueur. En tant que passionnés de jeux de société, nous serions des adulescents. J’avoue ne pas avoir beaucoup apprécié la remarque. J’aurais pu simplement écarter cette étiquette qu’on essaye de me coller. La considérer comme un jugement à l’emporte-pièce qui ne repose sur rien d’autre que des préjugés idiots et m’arrêter là. Mais j’ai quand-même voulu creuser un peu. Voir si une part de vérité ne se cachait pas derrière ce qualificatif d’apparence complètement idiot.
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Déjà, d’où vient ce néologisme ? Adulescent est un mot-valise issu de la contraction d’adulte et d’adolescent. Il semble qu’il soit, à l’origine, la traduction maladroite de kidult, un terme né dans des milieux publicitaires, qui définit des hommes et femmes ayant conservé une appétence pour des produits liés à l’enfance (bonbons, dessins animés…) et associeraient dans leur comportement de consommateur les caprices de l’enfance et le portefeuille d’une grande personne.
Son sens a ensuite été étendu par différentes personnes (sociologues, psychanalystes, journalistes…) et de manière sensiblement différente. On garde le principe de base, un individu ayant atteint l’âge adulte tout en gardant des caractéristiques de la période adolescente (voire infantile) et on y colle un peu ce qu’on veut. Ce qui définit un comportement adulte d’un comportement plus immature va dépendre beaucoup de la thèse de l’auteur qui s’est emparé de ce mot.
Comme Tony Anatrella, un psychothérapeute et prêtre catholique connu pour ses positions très conservatrices. Il a notamment animé des thérapies de conversion dont le but est de modifier l’orientation sexuelle des personnes gays. Au moins depuis 1988 et la sortie de son livre Interminables Adolescences, il considère les mœurs modernes comme le témoignage d’une immaturité qui perdure à l’âge adulte. Sans surprise, il a repris abondamment la notion d’adulescent dans ses essais et interventions publiques. Au point d’en revendiquer faussement la paternité.
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Qu’est-ce que tout ça à voir avec moi ? J’ai bien peur que si ma passion avait été la chasse, la guitare ou le point de croix, je n’aurais pas eu le droit à ce genre de réflexion. Il faudrait peut-être arrêter avec cette idée que jouer nous permettrait de renouer avec l’enfant qui est en nous. En tant qu’adulte, nous ne jouons ni aux mêmes jeux, ni de la même manière. Et ce n’est pas un jugement de valeur ! En tout cas pas de la manière dont vous l’imaginez. Je pense, au contraire, que nous avons tous beaucoup à apprendre de l’enfant et de son jeu, certes chaotique mais aussi plus franc, plus libre et moins complexé.
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Cette idée reçue tenace n’explique pas tout. Rappelez-vous, sa définition première (et publicitaire) définissait l’adulescent comme un consommateur déraisonnable. Un trait qui n’a rien à voir avec la pratique du jeu en lui-même mais qui parlera aux passionnés que nous sommes. Je m’étonne d’ailleurs de ne pas trouver, dans les essais qui ont repris ce terme à leur compte, de chapitres sur les méthodes marketing de plus en plus travaillées pour nous pousser à l’achat comme l’utilisation à outrance du champ lexical de l’irrésistibilité dans les publicités. Tellement fréquente que nous nous en sommes emparés.
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Il faudrait peut-être arrêter d’ailleurs. Arrêter d’exposer nos piles de la honte, de nous amuser d’avoir craqué pour une nouvelle boite et que, oh là là, qu’est-ce qu’on va prendre quand notre banquier/banquière/conjointe/conjoint (rayez les mentions inutiles) va l’apprendre !
Il faudrait peut-être arrêter de faire de notre immaturité un marqueur d’identité sociale. Nous sommes des joueurs, nous n’avons pas besoin de le prouver.
Si nous sommes des adulescents (si tant est que ce mot ait véritablement un sens) ce n’est pas tant par notre manière d’occuper nos loisirs que par notre manière de les consommer.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur que nous remercions.
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Septembre, c’est la rentrée froide et pluvieuse, ce sont les feuilles mortes dans la cour de récréation, ce sont les jambes cassées en marchant dessus. Pas exactement la période la plus réjouissante de l’année. Et pourtant j’y pense avec nostalgie en voyant ma grande prendre son cartable et ses petites jambes pour aller retrouver sa maitresse et ses copines. Ah, le bon vieux temps des après-midi appliquées et silencieuses, quand le maitre remontait les rangs, un livre à la main, pour la dictée du jeudi. On n’a plus tout ça maintenant. Mais on a “the next best thing”, comme disent les marketeux bercés trop près du mur. On a Ancient Knowledge.
Le jeu de Rémi Mathieu vous replonge dans la même ambiance studieuse, avec les mouches qu’on entend voler, et les gouttes de sueur qu’on essuie au coin de la tempe en mâchonnant son crayon. Chacun s’applique sur sa copie, un bout de langue qui pointe entre les lèvres, fait des calculs savants, tente timidement de zieuter ce que fait le voisin avant de se rendre rapidement à l’évidence que ça ne sert pas à grand-chose. Même lorsqu’on joue à quatre, soit deux équipes de deux, chacun passe l’essentiel de la partie dans ses pensées et ses additions à cinq inconnues. Ancient Knowledge demande concentration et application, sinon vous allez passer un très mauvais moment.
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Autant en emporte la pyramide aztèque
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Les règles ne sont pas bien complexes pourtant, chacun joue deux actions au choix parmi 4 et quand c’est fait pour tout le monde, les monuments que les joueurs ont posés sur leur frise perso avancent d’un cran vers leur ruine. On recommence ce petit manège jusqu’à ce qu’un joueur ait quatorze monuments en ruine, c’est-à-dire dans sa défausse, puis on compte les points, essentiellement ceux rapportés par lesdits monuments. Plutôt simple, non ? Pauvre Thibault, il n’a plus le niveau. Ah ah ah. Petits cons. D’accord, le jeu est rapidement expliqué, mais il n’est pas classé Expert par IELLO pour rien. Démonstration.
La première chose, et la plus importante, c’est que les monuments viennent certes avec des points, mais aussi avec des tablettes de savoir. Et s’ils en hébergent toujours lorsque vient leur déchéance, c’est du savoir perdu. Et le savoir perdu, c’est mal. Du coup, ça fait des points en moins. Evidemment, ce sont les cartes les plus intéressantes, parce qu’elles rapportent beaucoup de points ou parce que leur pouvoir est intéressant, qui se ramènent avec le plus de tablettes dans les poches. Construire un monument est gratuit, on peut jouer (un peu) sur l’endroit où il rentre dans la frise, tout l’intérêt réside dans le fait de se débarrasser rapidement du savoir qui va avec. On commence alors les calculs pour mutualiser les actions permettant de défausser les tablettes, et pour mettre en place un moteur de pioche qui permettrait d’alimenter le dit moteur.
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Je pose deux Grandes Murailles et je retiens une tablette sumérienne…
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En effet, nous n’avons que deux actions par tour, avant de voir les monuments avancer d’un cran sur la frise et provoquer des malus en arrivant dans la défausse. Et deux actions, c’est peu. Surtout quand on voit la liste de courses : il faut piocher de nouveaux monuments, poser ceux qu’on a en main, se débarrasser du savoir, gagner des connaissances qui donneront des bonus immédiats salvateurs ou des points en fin de partie, poser des artefacts qui participeront au moteur, vous avez saisi l’idée. On n’a pas le temps, et on l’a encore moins que vous ne le pensez puisqu’il s’agit d’une course, un joueur qui enchaine les défausses de monument pouvant rapidement mettre un terme à la partie. Surtout que, avec tout ça, il ne faudrait pas oublier de marquer des points.
Certes quelques cartes rapportent une dizaine de points, mais elles sont rares, alors comme dans tous les jeux card-driven, on va surtout passer l’essentiel de la partie à faire capitaliser ce qu’on a en main et à mettre en place des combos. Et il y a de quoi se prendre bien la tête, notamment quand il s’agit de minuter l’utilisation des différents effets. Certains monuments apportent un bonus tant qu’ils sont en jeu, d’autres à leur entrée sur leur frise, d’autres enfin au moment de leur défausse, et les monuments ne passent pas tous le même temps sur la frise. Les artefacts quant à eux permettent de rentabiliser une stratégie de savoir perdu, ou d’acquisition de connaissance, ou encore de se débarrasser rapidement du savoir. Et comme tout bon jeu de ce genre, les places sont chères et les dilemmes nombreux. D’abord cet artefact qui me permet de piocher à chaque nouvelle connaissance, ou cette connaissance qui me permet d’enlever trois savoirs avant qu’il ne soit trop tard ?
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Platon, ce grand déconneur
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Je vous l’accorde, présenté comme ça, Ancient Knowledge ne respire pas le fun. Mais on ne s’ennuie pas pour autant. Le jeu n’est pas austère, il est épuré. La composition de la main de départ orientera votre partie dans des directions potentiellement très différentes, ainsi que les cartes piochées en cours de route. L’interaction n’est pas énorme, mais elle existe, quand on surveille les voisins pour déterminer leur position dans la course ou s’ils peuvent nous chiper sous le nez une connaissance, ou quand on pose l’une des cartes un peu méchantes du jeu qui font défausser les adversaires ou carrément piquer une carte dans la main d’un autre joueur. Attention cependant à l’analysis paralysis qui guette, parce que chaque carte est unique, parce que le jeu sait très bien reproduire le problème de l’œuf ou la poule. Ce n’est pas plus mal qu’un tour se résume à seulement deux actions. C’est cependant un syndrome qui se fait moins présent quand on commence à connaitre les cartes, parce qu’elles sont au final les variations de plusieurs grands types facilement identifiables.
Alors on transpire avec application, on juge telle ou telle carte avant d’en jeter une troisième, on calcule nos prochains coups sur deux ou trois tours. Derrière une boite d’apparence modeste, un matériel contenu mais de très belle facture et joliment illustré, avec des règles faciles à appréhender, Rémi Mathieu cache un jeu technique, sans beaucoup de fioritures, qui ne pardonnera pas beaucoup le faux pas ou le fait de démarrer son moteur avec du retard. Et comme toujours avec ce genre de jeux, un joueur qui pioche les cartes parfaites pour son jeu aura un avantage certain, il faut savoir l’accepter. Bon, ça n’empêche pas ma femme de me rouler dessus, mais c’est une histoire pour une autre fois. En attendant, je retrouve avec ce jeu le plaisir de la concentration productive, sans les lancers de craie et les heures de colle de ma scolarité.
Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur que nous remercions.
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Synopsis
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La Main Blanche, une organisation criminelle bien établie ne cesse de sévir.
Sa spécialité ?
Le vol d’œuvres d’art et culturelles.
Tableaux de maîtres, sculptures renommées, œuvres littéraires, musicales, cinématographiques ou reliques, rien ne leur échappe, ils cherchent à tout voler et à revendre aux plus offrants leur butin sur le marché noir. C’est pourquoi, j’ai décidé de rassembler autour de moi une fine équipe sous une même bannière, cette équipe s’appelle l’Art Rescue Team et nous avons décidé de nous faire connaitre sous le nom de « the A.R.T project ».
Pour pouvoir rester dans l’anonymat, nous utilisons des noms de code tirés de ma passion pour les stratégies et les jeux à savoir les échecs.
En tant que roi, j’ai dû m’entourer de mes « pions » qui sont aussi mes collègues.
Vous retrouverez donc au sein de l’équipe la reine, le cavalier, le fou, la tour et le pion.
Aucune de ces appellations n’est vouée à être ronflante ou dégradante, nous sommes tous sur le même pied d’égalité et nous coopérons les uns avec les autres bien que nous venions de milieux différents, que nous n’ayons pas le même âge et que nos vécus diffèrent tous ; nous avons chacun nos spécialités, mais cela est pour le mieux, nous pouvons ainsi dialoguer ouvertement et échanger nos points de vue pour pouvoir déterminer quelle solution sera la plus efficace pour agir avant que les œuvres d’art du monde entier ne tombent sous la coupe de la Main Blanche.
C’est dans la multitude des conseillers qu’il y a réalisation après tout, donc plus il y a de cerveaux, plus élaborés seront les plans.
Nous sillonnerons le monde et nous arrêterons les agents de la Main Blanche avant qu’ils ne bloquent l’accès d’une ville ou qu’ils ne s’enfuient avec leur butin à notre nez et à notre barbe !
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Bon, c’est bien beau cette histoire, mais on veut en savoir plus sur le jeu !
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Et je vous comprends !
Mais je me devais de vous mettre dans l’ambiance car le travail d’illustrations fourni par Vincent Dutrait nous incite à plonger dans le jeu et sa thématique !
Déjà la boite fait penser à une affiche de film ancien, avec son grain et ses couleurs flashy tout en restant assez sombre pour montrer le côté sérieux de la chose.
Chacun ses goûts j’en conviens, mais comme très souvent avec M. Dutrait, je suis totalement sous le charme, le souci du détail sur les différentes cartes des pays que l’on va explorer est tout bonnement excellent, le jeu flatte la rétine sans l’égratigner, un sans-fautes pour moi !
Mécaniquement parlant, Florian Sireix et Benoit Turpin nous offrent un jeu coopératif qui sent le Pandemic mais en restant assez loin pour ne pas avoir l’impression de jouer à un clone !
Plus de contrôle de l’aléatoire, mais plus d’aléatoire quand-même (Oui je me contredis, je sais, mais je vais développer, vous me connaissez à force !) et une difficulté que je trouve plus abordable qu’un Pandemic, tout en laissant plus de marge de manœuvre pour les discussions entre les membres de la team !
Nous sommes face à un jeu aux règles simples et accessibles, à la difficulté variable et aux multiples cartes pour varier les plaisirs et changer légèrement le gameplay à chaque partie !
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Aléatoire ?
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Oui !
Voilà, c’est clair et annoncé, entre la pioche de cartes et les jets de dés pour les combats, nous sommes face à un jeu qui nous demande de nous adapter sans cesse, mais ne fuyez pas tout de suite, découvrez ce qui est fait pour contrebalancer l’aléatoire un minimum car les auteurs n’ont pas collé un jeu purement aléatoire sans contrôle !
La pioche de cartes nous propose d’avoir le choix entre deux cartes en mains et d’en jouer une sur ces deux, ce qui limite le côté punitif, même si, parfois, il vous faudra quand même choisir entre la peste et le choléra !
Mais ce qui est malin, c’est qu’au lieu de bêtement nous punir parce que l’ordre dans lequel sont sorties les cartes ne nous aide pas (comme dans un Pandémic quand on veut une carte d’une couleur et qu’une autre personne l’obtient alors que nous sommes à l’autre bout du plateau), dans the A.R.T Project nous allons décider de l’ordre du tour en dialoguant.
Il suffira de demander qui pourrait poser telle ou telle ressource parce que sinon nous allons perdre des cœurs (qui sont à la fois des points de vie et des jokers dans le jeu) et on jouera dans l’ordre de notre choix !
C’est intelligent, il y a un petit côté ordre du tour comme dans un jeu de rôle, rien n’est figé et le sens horaire très classique sur la plupart des jeux est donc absent.
C’est parfait pour bien coordonner nos mouvements, pour contrebalancer l’effet joueur alpha présent dans beaucoup de jeux coopératifs et pour éviter de perdre la partie parce que la première personne à jouer va devoir sacrifier tout ce qu’elle possède, ce qui nous mettra tous dans la panade !
Pour poursuivre avec l’aléatoire, les combats que nous allons choisir de résoudre (ou pas, ils ne sont pas obligatoires à la fin du tour) se font avec des jets de dés.
La frustration sera parfois à son comble quand il nous faut des 4 ou des 5 et qu’on ne fait que des 1… mais (!!!), grâce aux ressources du jeu nous pourrons augmenter notre puissance et/ou si cela ne suffit toujours pas, nous pourrons décider de nous séparer de certaines cartes pour relancer des dés.
Parfois ça ne sera toujours pas suffisant et nous devrons nous résoudre à perdre le combat, mais avouons que transformer deux 1 en deux 6 est très jubilatoire !
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Pandemic like ?
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Là où le jeu a des similitudes avec Pandemic, c’est que nous allons devoir atteindre notre objectif avant un certain nombre de tours, que nous avons un certain nombre d’œuvres d’art à récupérer pour remporter la partie, que nous allons devoir limiter la prolifération d’agents dans les villes sous peine de voir le contrôle de ces villes nous échapper, ce qui nous fera aussi perdre la partie !
3 moyen de perdre la partie et un seul de l’emporter !
Il faudra faire des choix et des bons pour pouvoir l’emporter !
Mais dans le feeling, on est quand même très loin de Pandemic, on sent une filiation, mais le plaisir de jeu est très différent pour ne pas avoir l’impression de jouer au même jeu, ni même de faire doublon.
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Quid de la rejouabilité ?
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Si la rejouabilité de la pioche aide déjà beaucoup dans Pandémie, il faut avouer qu’il reste relativement figé si on n’ajoute pas d’extensions.
A part varier la difficulté, on fera peu ou prou toujours la même chose dans Pandemic (et pourtant j’adore Pandemic hein !).
Là où Florian et Benoit (Pardonnez-moi cette familiarité, c’est plus rapide d’écrire ainsi !) frappent fort et même très fort c’est en proposant 6 pays différents à visiter !
Mais ce ne sont pas simplement des pays qui sont là pour changer le look de la carte !
Chaque nouveau pays va offrir un challenge différent car les règles seront légèrement modifiées.
Déplacements dont les coûts changent, bonus quand on termine sur une case, bonus ou malus quand on récupère une œuvre d’art dans un lieu etc. etc., la variété est au cœur du jeu !
Si vous voulez jouer sur une carte et augmenter ou réduire la difficulté c’est aussi possible !
Modifiez simplement le nombre de cœurs avec lequel vous débutez la partie et c’est fait ! Le jeu sera plus compliqué ou plus simple !
Donc le jeu propose une rejouabilité importante, de la variété et des manières de penser et de jouer vraiment différentes d’un pays à l’autre, chapeau !
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Joueur alpha ?
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Comme je le disais tout à l’heure, cet effet joueur alpha est pas mal gommé, car sans communication précise et détaillée, jouer une carte sans concertation risque vite de faire échouer la partie.
De plus comme nous pouvons communiquer sur nos cartes sans pour autant avoir le droit de les montrer (donc à l’inverse de Pandemic où toutes les cartes sont visibles sur la table, le paradis de l’alpha), le côté alpha sera plus difficile à installer, même si ça n’est jamais totalement évitable dès lors qu’une communication est possible.
On peut tenter d’orienter les choix des autres, mais la décision leur reviendra au final. Retenez que le jeu est vraiment fait pour le dialogue, d’ailleurs passé 3 personnes (Le jeu est jouable jusqu’à 6 pour rappel.), cette communication pour décider de l’ordre de jeu des cartes et de l’ordre de déplacement et de résolution des combats sera encore plus cruciale, une erreur de jugement et c’est une partie qui bascule irrémédiablement dans le chaos et la défaite quasi-assurée !
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Verdict personnel
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Comme toujours, cet avis n’engage que moi, mais je pense que vous allez vite comprendre si j’aime le jeu ou pas en vous disant que dès que nous l’avons reçu nous avons passé une semaine à jouer entre 2 et 3 parties par jour !
Le jeu nous a vraiment accrochés et j’ai vraiment adoré explorer les différents pays, les différentes variations de règles associées, ainsi que la fluidité des parties, la rapidité à poser le jeu, à jouer et à ranger le tout !
Mon avis se fait sur un nombre de parties compris entre 30 et 40 minimum (même si je ne les ai pas comptées dans le détail).
Je n’ai pas eu l’impression de me lasser, merci les différents pays et la variété de la pioche et des jets de dés.
Même si je sais que mon objectif ne varie jamais, la manière de le réaliser change toujours et c’est très frais.
Nous avons remporté au minimum une victoire sur 5 des 6 cartes et la dernière nous résiste encore, mais c’est un vrai challenge agréable à relever ! Pour le moment la difficulté standard nous suffit, c’est déjà assez difficile de gagner et ça se fait souvent sur le fil, à un jet de dés ou à un tour de la défaite !
Un énorme kiff pour moi et je place le jeu actuellement dans mon top 3 des découvertes de l’année !
Je l’aurais volontiers placé numéro 1 en coopération, mais je n’ai pas souvenir d’avoir joué d’autres nouveautés coopératives cette année (exception faite de Once Upon a Line, mais c’est un prototype, je ne le compte donc pas), donc je ne peux pas non plus mentir en disant qu’il est numéro 1 quand c’est le seul… Même si, de fait, il est numéro 1… Enfin bref, vous avez compris l’idée !
Au chapitre des regrets sur le jeu, je dirais que j’ai dû très vite sleever les cartes que j’ai trouvées fines et qui me semblaient un peu fragiles.
J’ai vu que les cartes pouvaient très vite se tordre si on mélangeait le jeu un peu vigoureusement et qu’une d’entre elles décidait de sortir du groupe.
Autre regret : j’aurais aimé avoir encore plus d’histoire dans le livre de règles pour la thématique.
Sinon pour moi, c’est vraiment un jeu excellent qui mérite qu’on s’y attarde si on aime la coopération !
Quelques mots sur le solo car le jeu dispose d’un mode solo intégré :
Je ferais un article dédié pour bien parler du solo, car, à ce jour, je n’ai que deux parties en solo au compteur, ce qui n’est pas assez pour donner un avis objectif sur le jeu.
Mais de ce que j’en ai vu, il est conçu aussi pour nous en faire baver, plus qu’en multi, donc il faudra jouer finement.
En conclusion, si vous aimez la coopération sans effet alpha et que vous aimez les jeux assez rapides, mais tendus, the A.R.T Project est un bijou qui aura sa place dans votre ludothèque !
Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur que nous remercions.
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En bon boomer du jeu de société, il m’arrive de songer au temps où 50 euros de matos ou des stretchs goals mirifiques n’étaient pas des arguments marketing. D’avoir la nostalgie de ces éditeurs mythiques, comme Ystari, dont chaque sortie était un évènement. De vouloir revenir au temps où je n’avais pas besoin de m’imposer une veille pour suivre l’actualité ludique.
Et puis je me souviens de la qualité générale des jeux de l’époque. J’ai beau regretter le bon vieux temps où le milieu du jeu de société était tout entier l’œuvre de tous petits acteurs et pas une presqu’industrie, il faut admettre qu’entre temps on a appris à faire des jeux. Les éditeurs éditent mieux, les auteurs “mécanisent” mieux et même si c’est en train de changer parce que “pffff vous comprenez, on a plus l’temps, y’en a vingt autres à sortir”, il ne faut pas bouder notre plaisir. On aura quand même vécu l’âge d’or du jeu de société.
Batailles pour un Donjon est une relique de cette époque artisanale. Créé par Mathieu Roussignol, un homme-orchestre à la fois auteur et éditeur. Le principe du jeu ? Du contrôle de territoire avec du déplacement d’unités (classique), de la baston (basique) et un soupçon d’économie (logique), et un objectif façon King of the Hill que les amoureux du wargame (Pas celui avec les figurines, l’autre, celui avec des bouts de carton.) connaissent.
Il n’y aura pas de twist, rien de vaguement original. Pas non plus de mécaniques à la mode qu’on aurait légèrement retouchées pour apporter un sentiment de fraîcheur comme le déo sous les bras ou les sapins de rétroviseur.
Du point de vue de l’édition, c’est pareil. On essaye pas de masquer le truc en nous vendant des esprits japonais ou des bestioles anthropomorphes. Dans Batailles pour un Donjon, il y a des elfes agiles, des orcs bagarreurs, un donjon donjonesque et un moyen-âge moyenâgeux…
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Un jeu Tilsit
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Batailles pour un Donjon est un jeu dépassé. Il aurait pu être édité tel quel par un éditeur comme Tilsit, il y a vingt ou trente ans. Il en a l’esthétique, il en a la saveur. Il en a les défauts. La règle est brouillonne, le plateau peu lisible, les pions trop nombreux et difficiles à distinguer, la durée mal adaptée, l’équilibrage à refaire, certaines mécaniques inutilement lourdes…
Vous voyez l’appartement de votre grand-oncle ? Celui avec de la moquette au mur et une table en formica dans la cuisine. Et bien Batailles pour un Donjon est un peu comme lui, il est resté coincé à une autre époque où on aurait pu lui pardonner le classicisme de ses mécaniques ou l’imprécision de son édition. En 2023, la proposition ludique de Batailles de Donjon ne semble plus en adéquation avec les attentes contemporaines.
Batailles pour un Donjon est un jeu que l’auteur et ses joueurs ont probablement adoré mais qui n’aurait probablement pas dû quitter ce cercle privé. Au moins c’est un jeu honnête d’un auteur qui ne s’est pas demandé dans quelle collection son prochain projet pourrait bien rentrer. D’un éditeur qui ne s’est pas dit que ce sera son vingtième jeu parce que l’année dernière il n’en avaient fait que dix-neuf.
Ça n’en fait pas, malheureusement, un jeu que je peux vous recommander. Et, croyez-moi, j’aurais bien aimé que ce soit le cas.
1er festival de Vichy pour ma part, je continue mon tour des festivals. Je doute de retourner à Cannes qui est un peu une usine, et d’autant plus avec l’évolution dernière de leurs tarifs. Essen, j’ai fait je peux cocher la case mais pas une grosse envie d’y retourner non plus. PEL prochaine étape je pense.
Je me rends compte que je préfère largement les festivals à taille humaine, il y en a d’ailleurs un qui se lance dans ma ville fin septembre, à Pont à Mousson 54. A Vichy donc, un festival pro, qui démarre le dimanche. Coup de bol, le samedi c’est en fait déjà accessible, il n’y a aucune espèce de contrôle à l’entrée, chacun entre ou soir à sa guise pour cette journée réservée à l’installation.
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Humanity
Et on démarre par du costaud avec Yoann Levet himself qui a la gentillesse de nous présenter son prochain jeu Humanity. Merci encore à lui et à Céline.
Donc ça sort chez Bombyx le mois prochain, et c’est un jeu qui attire l’œil déjà visuellement avec un plateau central en forme de base spatiale représentant la rivière de tuiles à acheter. Un système de rotation d’une partie de la zone centrale vient renouveler cette rivière et surtout « libérer » les astronautes que vous y envoyez afin d’acquérir les tuiles permettant d’agrandir et développer votre base. À vous d’anticiper son mouvement (en fonction des tuiles achetées durant le tour notamment) afin de récupérer vos « ouvriers » pour le tour suivant sous peine de ne pas pouvoir les utiliser tout de suite.
Les ressources sont rares, le jeu exigeant, et les erreurs nombreuses lors de cette première partie de découverte. Le travail d’édition et de recherche pour ce jeu est sublimé par un livret de règles qui se présente sous forme de livre relié comme un art book, couverture rigide, préface du directeur d’une administration spatiale dont j’ai oublié le nom. Effet waouh garantit.
Niveau sensations de jeu on alterne entre des tours où l’on développe sa base (ce qui nous apportera des ressources supérieures lors des prochains tours, et participera à notre montée en puissance), et des tours un peu frustrants de génération de ressources où l’on ne fera pas grand-chose. Le jeu est exigeant et c’est une bonne chose, mais c’est donc bien difficile de se baser sur une partie en plein festival à 4 joueurs pour s’en faire une idée définitive. Il nécessite certainement d’y revenir pour essayer d’autres choses, ce que je ferai avec intérêt.
Yoann Levet, illustrations Paul Chadeisson, Remy Paul, Fred Augis, Pierre Lazarevic, éditeur Bombyx.
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5-3-5
Durant tout le week-end, on a joué à des dizaines de jeux de plis, la nouvelle marotte de Romain B. Je n’ai pas retenu tous les noms, mais il y a du très très bon, de l’excellent, du ok pli, et du dispensable. Malheureusement la plupart sont indisponibles dans nos contrées, pas (et peut être jamais) localisés, et presque tous importés d’Asie, où les jeux de plus sont légion.
S’il ne fallait en retenir qu’un seul, je mentionnerai 5-3-5 qui est un pur bijou, et voici le pitch par Romain B. :
Chaque joueur dispose de cartes en main dont les valeurs vont de 1 à 15 sans 6 ni 10. Le but est de vider sa main en jouant de 1 à 3 cartes à ton tour. Tu joues des cartes simples ou paires ou brelan (15>1), des suites (14-15<1-2).
Et tu peux aussi compléter ce qui est posé par un joueur avant toi ! (agrandir la suite, faire d’un brelan un carré).
C’est là que 5-3-5 est malin !
Quand un joueur vide sa main, fin de la manche. Les autres scorent les PV sur leurs cartes.
Dès que l’un atteint 20 PV fin de la partie. Le joueurs avec le moins de PV gagne.
Il fait partie de mon top 4 du week-end. Ce jeu qu’on commence à voir un peu partout m’a vraiment plu. Une envie d’enchaîner les parties se déclenche immédiatement avec ce jeu, je suis conquis. Le twist c’est un scoring inversé. Vous récupérez des cartes à chaque tour, et vous en placez une dans votre tableau. À la fin (8 cartes posées), vous scorez chaque carte. Et donc, on comptabilise à l’inverse, c’est-à-dire depuis la dernière carte posée, et non la première. C’est contre intuitif, c’est pas grand-chose finalement mais ça apporte une originalité et un feeling à ce jeu, qui se joue en 20 minutes quand tout le monde connait. Un jeu vraiment agréable à jouer.
Est-ce une révolution en soi ? Non, on continue à scorer pour pas grand chose. La finalité est la même, un énième jeu qui nous demande de faire des PV. Mais cette originalité du scoring est suffisante pour susciter de l’enthousiasme, est-ce révélateur du marché ludique ? 😉
Johannes Goupy, Corentin Lebrat, illustrations Maxime Morin, éditeur Catch Up Games.
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A la recherche de l’espèce disparue
2ème de la gamme de jeux de déduction avec application mobile en support. Après A la recherche de la planète X, et A la recherche de l’OVNI (titre tbc). C’est édité chez Origames qui le présentait sur son stand, et nous avons passé un très bon moment. Je n’avais eu l’occasion que de regarder de loin une partie du 1er jeu, donc j’ai mis 1 bon tour pour bien me mettre dedans. Alors oui, il y a une application indispensable pour jouer, et je suis plutôt réticent à cela en général. Là j’ai trouvé ça intéressant, bien implémenté et cohérent. J’ai hâte de tester le 1er avec la planète, car celui-ci (l’espèce disparue) apporte une couche en + et le rend un peu plus complexe. Donc un peu plus long aussi.
Localisé chez Lucky Duck Games (oui Guillaume Poueys j’ai aimé un de vos jeux 😉 ) est une vraie belle surprise. La campagne KS m’avait attirée car John D. Clair, et DA très attirante. Finalement je ne m’étais même pas intéressé aux règles, mais c’était à des années lumières de ce à quoi nous avons joué ^^
Ce jeu vous veut du mal ! 12 tuiles devant chaque joueur représentant ses bâtiments. Une valeur sur chaque pour arriver à 250 points au total. Et 1 action sur chaque à activer selon la phase en cours. Le jeu va enchainer les fléaux qui vont s’abattre sur votre empire. Une tuile fléau indique quel emplacement de votre territoire va bruler. Soit vous payez le cout demandé, soit votre tuile brûle. Les joueurs payent ou subissent à tour de rôle, si tout le monde paye, le magot sur le fléau devient de plus en plus intéressant. Stop ou encore et gestion de risques, puisque vous pourrez finalement décider de prendre le fléau quand cela revient à votre tour, votre tuile indiquée brûle (et vous perdez son action) mais vous récupérez tout ce que les joueurs ont payé depuis des fois plusieurs tours ! Et vous aurez ainsi peut être les ressources suffisantes pour reconstruire cette tuile lors de la phase reconstruction. Les phases s’enchainent, les fléaux pleuvent sur vous, et si vous arrivez au bout de la partie, vous comptez vos PV de vos tuiles restantes et non brulées, et quelques scorings de fin de partie.
Un sentiment de jeu incroyable, avec mes acolytes c’en est presque devenu un jeu d’ambiance, et nos éclats de rires ont attiré pas mal de gens autour de notre table. Merci à Nicolas l’animateur de LDG qui nous a très bien expliqué le jeu, et a supporté notre partie bien bruyante.
« Vas-y prend le fléau, t’as vu toutes les ressources qui sont dessus ??? Tu peux pas laisser passer ça ! »
C’est génial de voir les joueurs tiraillés entre le fait de payer ou subir le fléau. Une vraie expérience ludique originale, c’est tellement rare.
John D. Clair, illustrations Kwanchai Moriya, éditeurs BrotherWise Games, Lucky Duck Games (VF)
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Je n’avais pas pris de rdv avec les éditeurs, et je pense que je n’en prendrai plus. Cet aspect présentation de catalogue et de tous les jeux ne me convient plus, je sais ce qui m’intéresse, je sélectionne, je n’ai pas besoin qu’on me présente 150 jeux, je n’ai pas le temps pour ça. J’ai donc été tester les jeux que je voulais, j’ai déambulé dans le festival et j’ai demandé des infos sur ce que je voyais. Trop de sorties, overdose, ça fait aussi partie de ma volonté de rationaliser mon rapport au jeu. Je me fiche depuis déjà quelques temps d’avoir un jeu à l’avance, je ne court plus après. Vous parler de 150 jeux que j’aurais pu avoir en présentation au festival n’a aucun sens, c’est un relais de communication pour les éditeurs, et je vais vous faire passer leur argumentaire de vente puisque je n’y aurai pas joué.
J’ai assisté avec un regard amusé à ce ballet des influenceurs et instagrameurs, qui vont de stand en stand, passent 30 secondes sur chaque jeu avec l’éditeur qui leur susurre l’argumentaire et les bons mots à faire passer, et prennent quantité de photos sous tous les angles.
Ah et bien sûr « c’est possible d’avoir une boite ? ».