Test : Crash Octopus

Test : Crash Octopus

Crash Octopus est un jeu qui a fait l’objet d’une campagne Kickstarter, et qui débarque dans nos contrées grâce à Atalia. C’est Itten, un éditeur japonais qui est à l’origine du projet, et on leur doit notamment Tokyo Highway ou Moon Base. Le jeu qui nous intéresse aujourd’hui est l’œuvre de Naotaka Shimamoto (Tokyo Highway, Moon Base), illustré par Yoshiaki Tomioka (Tokyo Highway, Moon… Bref vous avez saisi l’idée).

C’est donc de pichenette dont il est question, et vous retrouverez dans le dossier que nous avions publié il y a 2 ans, un historique de ce type de jeu, et quelques références devenues des « classiques », comme Pitch Car ou Ice Cool pour ne citer qu’eux.

Crash Octopus, c’est surtout un matériel incroyable, tout en bois, avec un design minimaliste mais très percutant je trouve, et qui attire l’œil bien plus que l’illustration de la boîte pourrait le faire penser. Vous devrez, avec de grands ou petits coups de pichenettes, propulser les trésors de l’océan vers votre bateau, et les garder en équilibre sur ce dernier. Mais plus les joueurs récupèreront de trésors, plus le poulpe le verra d’un mauvais oeil, et essaiera de vous embêter en déplaçant ses tentacules qui bloquent vos lignes de vue, et parfois en faisant tomber votre cargaison à l’eau.

Il est prévu pour 1 à 5 joueurs, à partir de 7 ans et pour une durée de 20 minutes environ.

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Un poulpe en bois

Itten Games est l’un de ces éditeurs asiatiques qui sait apporter de l’élégance à son travail d’édition, et propose des jeux au matériel plutôt rare pour notre marché européen, et c’est tant mieux. Par exemple, Tokyo Highway attire l’œil quand vous croisez la version XL en festival. Ce n’est pas banal comme proposition de jeu, et le joueur est souvent attiré par ce matériel inhabituel, ces boites épurées. Je n’ai pas adhéré au gameplay de Tokyo Highway, j’ai trouvé que l’ergonomie et les diverses manipulations du matériel nuisaient trop au gameplay. Pour Crash Octopus, c’est donc la pichenette qui est au programme, et je dois vous dire que ce n’est pas le type de jeu vers lequel je me dirige en premier.

Mais il faut avouer qu’il sait se faire désirer ce poulpe. Regardez-moi ce matériel épuré et pourtant si attirant. Beau travail d’édition d’ailleurs, de réussir à créer une identité visuelle si particulière et si efficace, et pourtant si épurée. Y’a pas à dire, ils sont forts.

Le matériel ne passe pas inaperçu, et quelqu’un qui passerait devant le jeu en démo en festival ou dans un café jeu serait forcément attiré, et aurait, je pense, la curiosité de s’y attarder.

Sauf s’il est pas curieux.

Par contre, le seul défaut, et pas des moindres, c’est les drapeaux et leurs hampes, qui au bout de 2 parties ont rendu l’âme pour 2 d’entre eux. C’est dommage, car c’est l’élément qui est mis à plus rude épreuve, puisqu’il sert à faire la pichenette en le faisant pivoter entre ses doigts. Un point de colle et ça sera réglé, mais c’est tout de même dommage, vu la qualité et la beauté du reste du matériel.

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Poulpe pas si méchant

On pourrait penser, en voyant l’illustration, ou en s’imaginant tout simplement un poulpe géant avec des petits bateaux au milieu de ses tentacules, que ces bateaux ne feraient pas les malins face aux tentacules. Eh bien, finalement, ils fanfaronnent pas mal je trouve. Et c’est mon regret, j’aurais aimé quelque chose de plus chaotique qui collerait au thème du kraken. Finalement, à moins de faire rebondir un dé sur la tête du poulpe, pour qu’il atterrisse et renverse votre bateau, les interactions avec le poulpe se borneront généralement à des déplacements de tentacules qui viendront vous gêner dans vos lignes de vue pour récupérer les trésors, et vous obligeront à vous déplacer. Pas assez chaotique et fou-fou selon moi ; mais bon, j’aurais dû m’en douter, le poulpe est quand même tout rose bonbon mignon sur la boite, ça ne prédestinait pas l’affrontement contre le kraken géant comme dans Pirates des Caraïbes.

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Familial par excellence

La pichenette, quand c’est amené comme ça, c’est l’idéal pour du jeu inter générationnel, de bons moments en famille, des fous rires et des Ooooooh et de Woaaaaaah (Oui, des gens font ça quand ils jouent… certainement… quelque part.). Pas vraiment de prise de tête ave Crash Octopus, tout le monde est là pour s’amuser, la gagne devient secondaire, et on ne se fait pas de nœud au cerveau. Partez plutôt sur Pitch Out ou A la Conquêtes des Catacombes si vous voulez de la pichenette avec un peu plus de profondeur et de choses à gérer.

Mais Crash Octopus est très bien comme cela, prenez-le pour ce qu’il est, et vous passerez un bon moment autour de la table.

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A noter la présence dans la boite de matériel pour 2 pièces optionnelles, l’île sans nom, et le pirate Rose, à ajouter ou non au jeu de base, pour varier les plaisirs.

Test : Magnate the First City

Test : Magnate the First City

Et si on se lançait dans l’immobilier ? Pas comme tous ces gagne-petit qui cherchent à vous vendre un appartement : « La cuisine est neuve et il faudra prévoir quelques travaux dans les WC. ». Non, dans l’immobilier le vrai ! On achète des terrains, on construit des immeubles, on loue les locaux et on revend le tout (avec les gens dedans tant qu’à faire) pour se faire une belle plus-value !

Ça vous tente ? Alors on sort la boite de Magnate : the First City et on se lance !

Dans ce jeu de James Naylor, dont c’est le premier jeu d’ailleurs, édité par Naylor Games (dont c’est aussi le premier jeu) et passé par un Kickstarter… Hey, attendez, Kickstarter servirait  à des auteurs pour créer leur premier jeu ? Ce n’est pas une plateforme de précommande de jeux en retard ?

Bref, monsieur Naylor a revisité le Monopoly et en a fait un jeu, il est passé par Kickstarter pour l’éditer et nous on s’est dit : « Allez, ça sent bon cette affaire. ».

Il y avait des indices, des signaux pour se dire ce jeu-là, on l’évite c’est pas plus mal.

Et pourtant ! Une fois reçu et joué, on a surtout félicité le copain qui a eu le nez pour participer quand-même à ce projet !

Magnates, ou comment jouer au capitalisme immobilier sans aucun état d’âme.

Le jeu vous propose d’acheter des terrains, d’y construire des maisons, des immeubles d’habitations, des centres commerciaux, des zones industrielles ou encore des buildings d’entreprises. Une fois construit, votre projet accueillera des occupants, et une fois les loyers empochés… On revend le tout pour maximiser les profits !

Les joueurs vont donc créer une bulle financière où les prix monteront crescendo jusqu’à l’explosion de cette bulle qui déclenche la fin de partie. À vous d’avoir maximisé vos profits pour sortir vainqueur de cette compétition immobilière avec plus d’argent que vos adversaires.

Âmes sensibles s’abstenir, ici, on achète, on vend, on bétonne, et le tout sans se soucier de ce qui pousse ou vit autour. Quoi que certains emplacements sont plus attractifs pour d’éventuels locataires comme un bois ou un parc, là où un aéroport attirera les entreprises mais fera fuir les familles.

Il y a donc un premier niveau de compétition sur le choix des emplacements pour construire. Tous ne sont pas accessibles, donc à chacun de les choisir au mieux.

Ensuite, que construire ? Plusieurs paramètres entrent en compte comme le vivier de clients potentiels pour chaque type de construction.

Et une fois votre projet bâti, encore faut-il attirer le chaland ! Cette phase au début de chaque manche vous verra lancer des brouettes de dés ! Une brouette ? Vraiment ? Quand on en vient à lancer 15 ou 18 dés, je trouve le terme plutôt approprié, non ?

Avec vos dés, à vous d’obtenir les meilleurs combos pour remplir votre bâtiment tout neuf.

Le but est simple : avoir un bâtiment bien rempli pour tout simplement le vendre avec ses occupants et ainsi vous refaire la cerise avec un joli profit au passage et avec cet argent tout frais…. Réinvestir dans un projet encore plus lucratif !

Mais attention ! À chaque manche le jeu va accélérer. Les ventes, la publicité pour attirer des locataires, le prix actuel du marché, autant de paramètres qui feront piocher des cartes danger et ainsi vous rapprocher de l’explosion de cette bulle financière.

Parce que quand ça va péter, et ça va péter, j’espère que vous aurez tout revendu ! Une fois que la fin de partie est déclenchée, les prix retombent comme un soufflé, ou plutôt comme un avion sans aile.

S’il vous restait des propriétés, elles ne valent quasiment plus rien. Les joueurs font alors le compte de tout l’argent accumulé par chacun, et le plus riche l’emporte ! Oui, pas de morale, même à la fin, faut pas déconner, on est là pour le flouse pas les sentiments !

Magnates c’est donc un Monopoly qui a appuyé sur le bouton nitro de sa voiture, le jeu accélère de plus en plus fort et le grand mur de la fin de la partie, il rentre joyeusement dedans en souriant de toutes ses dents. Ce n’est pas pour autant un party game, vous prendrez le temps de réfléchir où investir, quand vendre et comment réinvestir. On aime bien rigoler, mais quand ça parle de gros sous, on sait rester focus.

Pour autant le jeu demande de ne pas le prendre au sérieux. Mettez l’ambiance, balancez vos billets au banquier comme si c’était votre strip teaseuse, montrez un petit billet de 5 millions aux autres pour vous la péter, bref ! Soyez capitaliste tel le loup de Wall Street ! Avec du panache.

Magnates, c’est un jeu où l’ambiance autour de la table fait partie de l’expérience de jeu. Si votre style c’est camomille, pas un mot et réflexion, il vaut peut-être mieux y réfléchir à deux fois avant d’investir. A près de 100€ la boite, on se demande si l’auteur/éditeur n’a pas pour but de créer une mise en abîme du joueur au moment de l’achat.

Le jeu se veut fun sous ses aspects requin de la finance. Lancer 17 dés pour essayer d’attirer une firme d’avocats dans une playstation 5, il fallait oser. L’autre morceau de gameplay qui me plait le plus dans ce jeu c’est le panic switch.

Ce moment où un joueur va tenter de rentrer dans la tête des autres pour provoquer des ventes. Pas une ou deux, mais 3 ventes par joueur (chacun dispose de 3 actions par manche) pour faire exploser la bulle à ce moment précis. Et c’est là que l’impasse mexicaine apparaît ! Normalement il faut être 3, que chacun braque les deux autres et qu’au final on soit tous quand-même bien emmerdé.

Cette fois, vous pourrez créer des impasses à 4 et même à 5 ! Tout le monde se regarde, un joueur vend… Les autres le suivront-ils ? Et à chaque vente il est toujours possible de dire stop, de ne pas vendre, de ne pas suivre tel un mouton, « Parce que, moi, je dicte le marché, je suis pas les autres, moi !

  • Et du coup, tu fais quoi ?
  • Ben je vends… Mais c’est parce que je l’ai décidé, ok ! »

Ce genre de situation où tout peut déraper, et même si tout le monde vend, il reste possible que le jeu ne se termine pas quand-même ! Ah ! Le petit malin du fond qui avait gardé une maison, il ne la vend plus 4 mais 9 millions avec cette manche supplémentaire. Il se gave, il fait même des bisous aux billets qu’il vient d’empocher parce que tout le monde le sait qu’avec cette maisonnette ridicule, il vient de gagner la partie.

Voilà Magnates. Si ce petit résumé vous fait penser que vous aussi, insulter vos potes, vous prendre pour Trump et twitter n’importe quoi, alors go ! Soyez fous, soyez immatures et rejouez au Monopoly « mais en mieux quand-même », et avec Magnates, c’est ce que vous aurez sur la table.

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Disponible ici :

Prix constaté : 89,50 €

Test : Les Gardiens de Havresac

Test : Les Gardiens de Havresac

A l’aventure compagnons ! Pour protéger le royaume, montez votre petite équipe de fiers aventuriers et partez à travers les vallées et forêts bouter renards, crocodiles et cochons hors du royaume, tout en récoltant des trésors ; et n’oubliez pas d’attraper les fées que vous pourriez apercevoir. Si votre âme de bricoleur ludique vous démange vous pourrez aussi reconstruire les villages à travers le royaume !

Le jeu de Frédéric Guérard, l’auteur d’It’s a Wonderful World entre autres, illustré par Sabrina Miramon est édité par Catch Up Games chez qui l’on a beaucoup aimé Fertility ou encore Wild Space.

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Le jeu reprend une mécanique qui m’est chère : le bag building. Cette mécanique utilise un sac que chaque joueur va garnir de jetons. Les jetons représentent les membres de votre expédition que vous allez piocher à chaque manche.

Le but est d’exploiter au mieux ces jetons et d’en récupérer de nouveaux pour améliorer vos prochains tirages.

Les gardiens de Havresac propose donc cette mécanique qu’Orléans a mise en lumière, le tout dans un jeu plus accessible et surtout avec une durée plus courte, comptez 45 minutes par partie quand tout le monde connait le jeu. Et pour l’âge des joueurs, vous pouvez y aller à partir de 8 ans pour les enfants habitués aux jeux.

Les joueurs disposent chacun de leur plateau royaume, tous les plateaux étant disposés à l’identique. Ce sera donc à chacun de faire les meilleurs choix en fonction de la sortie de vos jetons pour combattre et récolter au mieux les éléments de votre plateau.

Une fois cette phase de jeu effectuée, chaque joueur obtient des points de victoire et de l’argent en fonction de la gloire qu’il a accumulée pendant la manche, et, avec cet argent, à vous le recrutement de nouveaux compagnons ! Il en existe 6 différents avec, pour chacun d’entre eux, 2 pouvoirs possibles, le pouvoir actif de chacun pour la partie étant défini à la mise en place.

Les parties sont rapides ; une fois que chacun a bien compris le principe de chaque jeton, les joueurs peuvent même jouer en simultané.

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C’est aussi pour moi le gros point faible du jeu, on joue totalement dans son coin sans avoir besoin de regarder ce que font les autres joueurs. Il n’y a pas d’interaction, ce qui posera un souci à certains joueurs, donc autant prévenir tout le monde.

De ce fait, le jeu fonctionne très bien dans toutes ses configurations puisque le nombre de joueurs ne changera rien au gameplay de la partie.

Le deuxième point négatif du jeu est son manque de rejouabilité. Alors, calmons-nous quand-même, le jeu est tout à fait rejouable, mais n’enchainez pas 30 parties dans votre semaine pour ne pas vous en lasser tout simplement. Ce qui me dérange est le départ avec les mêmes jetons, le fait que toutes les cartes ajoutant les monstres seront jouées à chaque partie, j’ai du mal avec les jeux ou l’on verra toutes les infos à chaque partie, comme Rococo par exemple.

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Donc ce gardien de Havresac on le recommande ?

Oui c’est un bon jeu avec une mécanique peut exploitée et un univers visuel et thématique bien adapté. Chacun prendra son plaisir à jouer ses gardiens et accumuler gloire et pièces d’or pour améliorer ses gardiens tout au long des 5 manches qui composent la partie.

Le jeu est familial, vous pourrez embarquer tous les ludistes en herbe de tout âge et même les joueurs plus aguerris pour une petite partie ou deux !

C’est encore une fois un jeu où l’on reconnaît de suite le style de l’éditeur Catch’up, des jeux aux règles fluides, au gameplay bien dans le thème, et une patte graphique qui se dessine boite après boite. Ajoutons aussi le prix qui reste contenu pour ce format de boite ; dans la flambée actuelle c’est toujours agréable.

Avec les gardiens de Havresac, c’est un jeu familial, malin et au temps de jeu contenu qui nous est proposé, et si le manque d’interaction ne vous dérange pas, alors vous pouvez y aller, vous aurez un jeu de plus pour faire découvrir les jeux de société et jouer en famille !

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Disponible ici :

Prix constaté : 40,50 €

Test : Feudum

Test : Feudum

Je partageais une infusion orties-gingembre samedi dernier avec mon pote Aristote, et la discussion allait ainsi :

« Aristounet, toi qui as bien bossé le sujet, tu pourrais m’expliquer rapidement le bonheur ?

– Mais pauvre fou, m’apostrophait-il, le bonheur est le sens ultime de la vie, le bien le plus cher que l’homme puisse posséder ! Il me faudrait des néons pour t’éclairer sur ce sujet ! »

Je levais les mains en signe d’apaisement, m’inondant d’eau bouillante au passage :

« Easy, cowboy ! Bon, du coup, tu ne veux pas plutôt me résumer Feudum en deux trois phrases ? Ah la vache, j’ai la peau qui fait des cloques. »

Il posa alors son mug Hello Kitty avec soin, pris une grande inspiration et commença ainsi : « Il faut voir le Bonheur comme le bien suprême, auquel sont subordonnés les autres biens, tels des moyens à une fin, et qui serait l’acte d’être vertueux accompli par l’Homme. Ainsi, … »

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Un fabuleux fourmillement de fantaisie féodale

J’avoue, résumer Feudum est une gageure. S’agit-il de pose d’ouvrier ? Non, certainement pas. Un jeu narratif ou d’aventure ? Pas du tout, même si c’est un formidable générateur d’anecdotes. Du contrôle de territoire ? Un peu, mais Feudum est aussi beaucoup plus que ça. Passons rapidement sur ce que vous verrez dans tous les descriptifs : un jeu de Mark Swanson sorti en 2017, illustré magnifiquement par Justin Schultz, pour des parties de 1 à 6 joueurs (4 ou 5 me paraissent être le nombre idéal), avec de la gestion de main et de ressources, un temps de jeu atteignant facilement les 180 minutes, et soi-disant à partir de 12 ans (peut-être ont-ils voulu dire « après 12 ans de pratique du jeu de société » ?). Comptez également une bonne heure d’explication de règles, heureusement traduites, et regarder une vidéo au préalable est une sacrée bonne idée. Il faut dire que la bête est extrêmement poilue, avec plein de petites mécaniques dans tous les sens et de micro-règles que l’on rajoute au fur et à mesure. Mais qui forment néanmoins un grand tout sincère et excentrique, voire poétique.

Alors, par où commencer ? Banni et déchu de l’ensemble de vos possessions, vous traverserez 5 époques pour retrouver l’influence qui était la vôtre, en envoyant vos petits gars arpenter un royaume fantastico-médiéval, pour ramasser des ressources, contrôler les différents avant-postes/fermes/villes qui s’y trouvent, et monter dans les rangs de 6 guildes. Votre fine équipe se composera d’un maximum de 3 personnages appartenant justement à ces différentes guildes (fermière, chevalier, moine, etc.) ce qui constituera votre porte d’entrée pour enfin obtenir le statut de maitre dans la corporation correspondante (et tous les shillings qui vont bien avec). Et contrairement à beaucoup d’autres jeux, il faut bien garder en tête l’histoire et l’univers, car c’est ce qui guidera vos choix tant Feudum est un gigantesque bac à sable laissant la plus grande des libertés au joueur.

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Se farcir des facettes à foison sans faiblir

De manière plus prosaïque, le jeu se déroule en 5 manches dont la durée est variable, le changement d’époque étant déclenché lorsqu’un certain seuil est atteint. Les premières manches peuvent paraitre s’éterniser alors que la dernière ne dure parfois qu’un tour. Un tour consiste justement à sélectionner 4 (potentiellement 5) cartes parmi les 11 disponibles, et qui représentent chacune une action : faire migrer ses personnages sur le plateau, les déplacer, user d’influence pour prendre le contrôle des sites, réaliser les actions de guilde, etc… Une fois ces cartes choisies secrètement par l’ensemble des joueurs, les participants jouent à tour de rôle l’une de leurs cartes (dans l’ordre de leur choix) et réalisent l’action associée. Une fois toutes les cartes jouées, le tour est terminé et on passe à la préparation du suivant. La seule contrainte est donc que vous ne pouvez pas réaliser 3 ou 4 fois la même action dans le même tour (il est cependant tout fait possible de dupliquer une action). Mais rien ne vous empêche de vous déplacer à chaque fois, ou de récolter systématiquement les produits de votre ferme. Le champ des possibles est donc très élargi et il revient au joueur de se fixer un objectif en début de partie et de d’essayer de s’y tenir, tant les stratégies – plus ou moins viables – sont nombreuses pour gagner des points.

En effet, il y a beaucoup de choses à faire dans Feudum : monter dans les différentes guildes, comme déjà évoqué, vous permettra de réaliser les actions assez avantageuses (en termes de points et de shillings) de maitre ou d’apprenti, qui se nourriront de ou alimenteront les autres guildes, mettant en place une économie plus ou moins tendue suivant le nombre de joueurs. Mais l’on peut également se contenter d’un rôle de serf et entretenir ses paysages, entamer un voyage épique, guerroyer ou affamer le peuple, établir des fiefs au coût d’entretien astronomique, recruter des monstres, et bien d’autres choses encore. Il faudra également prendre en compte les agissements des autres joueurs, qui n’hésiteront pas à vous voler ressources et lieux, à éliminer l’un de vos personnages, à piquer votre statut de guilde ou à l’inverse – et c’est encore pire – à profiter de votre position pour vous piquer sous le nez les récompenses qui vous reviennent normalement de droit.

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Une formidable fabrique à fariboles

Feudum est donc exigeant et complexe, parce qu’il y a beaucoup de notions à retenir, parce qu’il y a 11 actions disponibles à chaque tour, parce qu’il y a plusieurs niveaux de réflexion. Il nécessite d’être concentré, parce que la partie est longue et parce que tout est toujours possible – et qu’il est donc facile de perdre de vue ce qu’on voulait faire il y a trois tours de ça. Mais le jeu demande également de savoir s’adapter en permanence, de saisir les opportunités quand elles se présentent (un personnage saoul qui se défendra moins facilement, une récolte juteuse qui n’attend que vous, un sous-marin à emprunter), mais aussi de changer son fusil d’épaule quand un adversaire vous plante un couteau dans le dos et ruine vos plans longuement réfléchis. Ce qui n’est pas toujours aisé puisqu’on aura déjà choisi les cartes que l’on compte jouer à ce tour. Cette sélection doit donc se faire en envisageant si possible plusieurs options, au cas où l’avant-poste convoité a été remplacé par une ferme entre temps ou que l’alchimiste n’a plus d’aéronef à vendre. Enfin, il vous faudra la plus grande des qualités pour pouvoir profiter de Feudum : une âme d’enfant.

En effet, certains l’aimeront pour sa tension, pour ses trahisons, et pour son écosystème à base de guildes hyper malin. Et ils auront bien raison, tout cela marche très bien. D’autres au contraire lui reprocheront un gloubiboulga indigeste de règles, des actions déséquilibrées ou une iconographie absconse. Personnellement, j’adore Feudum, et je l’adore pour son univers unique – je vous conseille de lire tous les petits encarts de lore – pour son esthétique et pour la liberté qu’il offre mais où chaque action a une pertinence situationnelle différente et doit être choisie au moment opportun. Trop souvent, les jeux bacs-à-sable proposent des gameplays un peu mous où, parce que l’on peut tout faire, rien ne ressort véritablement et chaque proposition se ressemble. Feudum demande au contraire de faire de vrais choix très structurants, très marqués et parfois même diamétralement opposés, et tous sont jouables pour obtenir la victoire finale. D’où mon conseil d’envisager une partie de Feudum comme une aventure où les intrigues politiques et les rencontres seront autant de chapitres du souvenir que vous en garderez : serez-vous un moine itinérant qui saoulera de naïfs marchands afin de les dépouiller de leur stock ? Ou jouerez-vous un preux chevalier pourfendant le Béhémoth, une fermière aux fermes généreuses, une noble cruelle, un alchimiste doué d’ubiquité, ou tout ça à la fois ? Tenterez-vous une vie éprouvante faite de batailles incessantes pour conserver vos puissants fiefs ? Ou préférerez-vous une existence bucolique loin des luttes d’influence et consacrée à l’entretien de vos jardins ? Cela peut paraitre un brin romancé, mais je ne fais que résumer en trois mots des choses que le jeu propose réellement.

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Un fantasque fourbi de fanfreluches finement façonnées

Et je n’ai pas encore parlé du matériel de Feudum, qui est le parfait prolongement de sa proposition initiale, à savoir offrir un jeu unique, inclassable, avec le choix complètement assumé d’une direction artistique baroque. Je conseille d’ailleurs, à ceux qui peuvent, de mettre la main sur la version Deluxe proposée lors des différentes campagnes Kickstarter. Quitte à faire entrer ce jeu dans sa ludothèque, avec sa complexité et sa durée, autant faire les choses en grand. Tours pour fortifier les fiefs, vaisseaux de prestige, petits sapins, moulins, les photos parlent d’elles-mêmes. Certes, les ajouts de gameplay apportés par ces extensions sont souvent anecdotiques : écureuils comme nouvelle source de nourriture, versions alternatives des cartes actions, nouveaux monstres, etc… Le jeu de base est déjà suffisamment riche comme ça. Il faut cependant mentionner l’Armée de la Reine, qui introduit un mode solo avec une réussite relative, le rythme de la partie et la façon de l’aborder en étant complétement transformés.

Alors au final, mon petit Aristote s’est bien compliqué la tâche. Le bonheur, c’est tout simple. Le bonheur, c’est passer 4 heures autour d’une table à jouer à Feudum avec des amis, à s’insulter et à se faire des coups fourrés, en sirotant des tisanes courgettes-salsifis.

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Notre partenaire, Golden Meeple a contacté l’auteur, et malheureusement il n’y aurait pas de réimpression du jeu avant 2023 ou 2024 … Il est donc difficilement trouvable à prix correct.

Feudum version standard

Disponible ici :

Prix constaté : 74,95 €

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Feudum Big Box

Disponible ici :

Prix constaté : 109,95€

Test : Vindication

Test : Vindication

Mon premier souvenir, c’est le choc de l’eau glacée, quand les salauds que je pensais être mes compagnons m’ont balancé sans façon par-dessus bord. Cela dit, difficile de leur donner tort, tant je m’étais révélé un bel escroc. Et tout comme les cafards peuvent résister à une apocalypse nucléaire, les ordures dans mon genre ont la peau dure. J’ai donc survécu à la noyade, aux créatures des profondeurs et aux récifs acérés, pour finir par échouer sur une terre inconnue. Bien décidé à me refaire la cerise – et peut-être à trouver la rédemption, qui sait ? – j’ai pris mon bâton de pèlerin, et j’ai dépensé un cube de Force et un cube de Connaissance pour obtenir un cube de Vision.

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Vivez une odyssée incroyable dans un monde étrange…

Bien qu’on puisse maintenant le trouver en boutique, Vindication est à l’origine le produit d’une campagne Kickstarter menée par le studio Orange Nebula et livré en 2018. Derrière, on retrouve Marc Neidlinger au gameplay, et toute une brochette d’illustrateurs (Noah Adelman, Brett Carville, etc…). Jouable de 2 à 5 joueurs, je conseille cependant une configuration à 4 joueurs, pour apporter un peu de tension dans le contrôle des différents lieux du plateau. Evidemment, le nombre des joueurs aura une influence sur le temps de jeu, mais on reste grosso modo sur des durées de 90-120 min. Le pitch est tout à fait séduisant : vivre une aventure épique, et finalement trouver la lumière à travers moultes épreuves, rencontres et découvertes de reliques oubliées au sein d’une Terra Incognita. En réalité, vous allez surtout gagner des points de victoire et gérer vos ressources. Elles ont beau s’appeler Courage, Inspiration ou encore Sagesse, provenir de votre Potentiel, votre Influence ou bien de votre Conviction, cela reste des cubes qui sont déplacés d’un emplacement à un autre. Et on y prend beaucoup de plaisir.

Il y a donc une dissociation assez marquée entre l’emballage du jeu, très grandiose, avec du matériel de qualité et à profusion, et le gameplay, qui en ferait presque un jeu abstrait. Essayons malgré tout de rester un peu dans le thème : voici une île dont on ne sait encore rien et dont les joueurs vont révéler progressivement la géographie, et donc les différents lieux qu’ils atteindront puis activeront avec leur personnage pour gagner des ressources (pardon, de la Sagesse) ou les dépenser (je veux dire, affronter un Monstre). Un tour de jeu est vite résumé : un déplacement avec potentiellement de nouveaux lieux à révéler, une visite de lieu, une activation de personnage (le sien ou un compagnon acquis par la suite), les possibilités ne sont pas infinies. Il faut alors composer avec deux contraintes : la portée du déplacement est limitée par la monture du personnage, et les cubes qui matérialisent les ressources en la possession du joueur sont une denrée rare. Initialement répartis sur le plateau du joueur entre les sphères Potentiel, Influence et Conviction, ce sont les cubes Influence qui vont servir le plus souvent. Mais si je les dépense pour gagner en Force ou en Connaissance, il m’en restera moins à convertir en Conviction, qui me permettrait de prendre le contrôle des lieux que je visite.

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Triomphez de péripéties homériques…

Les joueurs font donc progresser leurs trois attributs de base, et les utilisent pour enrôler des Compagnons aux bonus bien utiles (mais consommateurs d’Influence) ou pour d’autres actions d’amélioration. Ou alors ils peuvent également convertir ces attributs en Courage, Vision ou encore Sagesse, qui seront à leur tour utilisés pour vaincre des Monstres, obtenir des Reliques ou développer des Traits (de caractère), la vraie source de points de victoire. Et alors qu’une première condition de fin de partie est tirée au sort lors de la mise en place, de nouvelles conditions vont s’ajouter, au fur et à mesure que les joueurs vont progresser sur la piste de score. Augmentant ainsi les chances de déclencher soudainement le décompte final.

C’est très bien ces histoires de monstres et d’artefacts, ça brille et ça attire le chaland. Mais je vais être honnête, tout ça est oublié dès le deuxième tour. Vindication n’est pas un ameritrash avec ses brouettes de dés à lancer et son hasard générateur d’anecdotes. Malgré le thème très fort, et qui se veut omniprésent, c’est une course où les joueurs vont mettre en place une stratégie et chercher à optimiser la séquence des lieux visités afin d’éviter les allers-retours qui les retarderaient. A l’origine, je souhaitais dresser tout un comparatif ultra pertinent avec des jeux comme Istanbul ou Yokohama, puis ma femme a commencé à me jeter des pierres en me traitant de mécréant. Et c’est vrai que Vindication est plus costaud et riche qu’un Istanbul : on n’est pas loin du jeu « bac-à-sable » avec de nombreux axes de scoring potentiels, et il faudra accomplir tout un tas d’étapes intermédiaires pour réaliser un objectif qu’on se sera fixé. Il y a par exemple la quête secrète que chaque joueur poursuit pendant la partie, les Monstres qui permettent de capitaliser sur tel ou tel objectif intermédiaire, ou encore les majorités à obtenir dans les différents attributs. La liste est longue, tout ça coûte très cher et les ressources sont rares. Il faudra donc faire les bons choix, au bon moment : est-ce que je vais par exemple améliorer ma monture, qui me rapporte peu de points sur le moment et me coûte 3 de Force, mais qui me permettra de voyager beaucoup plus vite ?

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Et tout ça avec 2 cubes et 3 cartes !

J’aime beaucoup Vindication : la gestion des cubes est très maligne, chaque tour apporte son lot de dilemmes à trancher, les actions sont très simples à assimiler et les stratégies possibles suffisamment nombreuses et différenciées pour vouloir tenter diverses approches à chaque fois. Je passe à chaque fois un moment très agréable. Mais je ne pense pas que ça soit un jeu qui plaise à tout le monde. Certains se feront notamment piéger par son plumage de jeu d’aventure et découvriront avec horreur un pousse-cubes plutôt froid. D’autres pourront être déçus par une interaction assez faible : il est quasiment impossible de bloquer le déplacement d’un joueur, et la seule interaction est indirecte, en se disputant une majorité ou le contrôle des différents lieux. Enfin, l’aspect bac-à-sable n’est pas aussi présent que dans un Feudum, un Xia ou même un Western Legends : certes, tout est possible et les joueurs peuvent être tentés de s’inventer des objectifs persos, mais le rythme est beaucoup plus soutenu et la vitesse à laquelle la fin de partie peut survenir oblige à tendre vers l’efficacité absolue. Au final, la destination importe plus que le voyage, et c’est là où Vindication échoue, tant le jeu semble vouloir mettre l’accent sur le périple du joueur.

Il reste cependant un jeu aux mécaniques agréables et sans superflu, dans un univers très riche – même s’il passe assez rapidement au second plan – et aussi complétement surproduit. C’en est d’ailleurs presque comique tant les composants paraissent hors de propos pour ce qui est en fin de compte un eurogame abstrait. Cette impression est d’ailleurs renforcée par les différentes extensions disponibles et à venir et qui promettent chacune d’enrichir l’univers et rajoutent à leur tour encore plus de matériel. Je conseille cependant d’essayer d’abord le jeu avant d’envisager les acquérir, parce que Vindication n’est pas consensuel, mais aussi et surtout parce qu’il est déjà très satisfaisant en l’état.

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L’avis de Romain

N’importe quoi ! Un vulgaire pousse cubes froid ? Mais dis donc Thibault, tu veux qu’on te relance une deuxième fois par-dessus bord ?

Vindication est un vrai bon jeu. Un vrai Kickstarter. Tout simplement parce que Thibault ne raconte pas (que) des bêtises. Vindication c’est l’exemple même du jeu totalement surproduit. Tout est trop. Trop de figurines inutiles, des cartes non pas juste carrées mais avec des renfoncements, un insert par Gametrayz (pas le meilleur qu’ils aient fait) et au final une boite énorme là où tout pourrait faire 50% du volume en moins.

Donc on a une grosse boite avec un matériel premium et surtout un super jeu !

Personnellement le thème me parle et même si, je l’avoue, on promène des cubes, moi je vois mon perso en train d’évoluer, de s’améliorer et d’avancer sur le chemin de la rédemption.

Mais, je l’avoue également, je suis kubenbiste. J’adore les kubenbois, les jeux type tableur et le contrôle. Donc Vindication ça me fait l’effet d’une épopée incroyable.

Donc Vindication je dis oui si vous avez la place dans votre ludothèque et que l’aventure en mode abstrait ne vous rebute pas.

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Disponible ici :

Prix constaté : 99€