Cette critique a été rédigée à l’aide d’une boite fournie par l’éditeur.
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Très bonne surprise avec ce jeu à la proposition ludique originale, et c’est devenu un critère quasi obligatoire pour moi. Il est édité par CGE, cet éditeur tchèque qui a des propositions ludiques fortes depuis toujours, Galaxy Trucker en tête, et leur 1er jeu publié. Codenames, Tzolk’in, Through the Ages, Space Alert, pour ne citer qu’eux, ça vous montre l’importance de cet éditeur.
Il s’agit selon BGG du 1er jeu de ce trio d’auteurs, et pour un coup d’essai c’est un coup de maître, vivement le prochain ! Ils ne se sont pas contentés d’un autre eurogame assez classique, et c’est tant mieux. En vrac, on a là un marché fixant le prix des ressources qui n’en finit pas de tourner au fur et à mesure des actions des autres, une gestion d’actions à base d’une main de cartes à la Concordia, une ville à construire en essayant d’optimiser le placement des icones en adjacence, et un scoring se déclenchant lors des 3 dernières manches totalement à la main des joueurs. Entre autres joyeusetés.
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Jouez-y à 4
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J’exagère un peu (quoi que, selon mes partenaires de jeu), mais mon propos est surtout de vous prévenir que je jouerai toujours à un autre jeu que Kutna si nous ne sommes que 2, certainement à autre chose à 3 joueurs, et que je le proposerai souvent à 4 joueurs !
Du fait notamment de ce marché fluctuant, le jeu et la proposition prend son sens à 3 ou 4 joueurs. A 2 joueurs, un paquet de cartes vient (faiblement) simuler la présence d’autres joueurs mais est à des années-lumière de l’impact des joueurs sur le marché. Je n’y ai pas joué à 2 joueurs, mais j’ai joué une partie avec le paquet de cartes évènements que l’on peut aussi ajouter à 3 ou 4 joueurs, donc je vois ce que ça apporte ou pas.
Il y a une tension sur tous les éléments du jeu qui est optimale à 4 joueurs. Une action d’un joueur aura toujours un impact sur les actions suivantes de tous les joueurs. Si vous réservez un bâtiment, la rivière de bâtiments dispo change et le bâtiment qu’un autre joueur visait voit son coût baisser ou augmenter (s’il était du même type que celui que vous avez pris). Si vous réservez une parcelle sur le plateau ville, vous prenez potentiellement une parcelle qu’un ou plusieurs joueurs souhaitai(en)t.
Bref je vais pas vous faire chaque action, mais le timing est prépondérant dans ce jeu, et son importance décroit clairement à moins de 4 joueurs. Un jeu de marché fluctuant, avec une tension forte et un impact de chaque action des joueurs sur les suivants, vous aurez compris que l’intérêt pour le jeu décroit en même temps que le nombre de joueurs.
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Des parties qui ne se ressemblent pas
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Autant le début de partie est un peu similaire pour tous les joueurs, autant toutes les parties que j’ai faites se sont avérées assez différentes dans leur déroulé, dans les choix des joueurs, et dans les contraintes imposées par le jeu. J’ai rarement vu ça dans un jeu. Votre partie est drivée par les 3 guildes que vous aurez dès le début de la partie. Cela a un impact fort puisque ce sont les 3 seuls types de bâtiments que vous pourrez acheter et construire, et que ce sont les 3 ressources correspondantes qui vous donneront des revenus quand vous déclencherez cette action. Les auteurs ont proposé un set de cartes indiquant des mises en place de guildes. Pour rajouter à l’interaction et à l’intérêt du jeu, vous aurez à 4 joueurs (la meilleure config vous l’aurez compris) 2 de vos 3 guildes en commun avec d’autres joueurs. Ce qui fait que leurs actions sur cette guilde vous impacteront directement.
J’ai clairement vu des parties où les joueurs ou moi-même bloquions volontairement telle ou telle guilde. Si je ne construis pas un bâtiment de telle guilde, je ne fais pas évoluer le cours de la ressource correspondante. Si j’en construis plusieurs, je fais baisser assez fortement le cours de la ressource. Il en résulte des situations de blocage, et comme vous l’avez compris, chaque guilde étant commune à 2 joueurs, les impacts des actions des autres joueurs sont très forts autour de la table. Savoir que je ne sais pas à l’avance comment va se dérouler la partie est un vrai plus pour ce jeu selon moi.
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Scoring commun
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Une autre bonne idée et qui fonctionne très bien dans ce jeu à forte interaction est une partie du scoring qui se déclenche sur les dernières manches. Il y a 4 façons de scorer pendant la partie (Je ne compte pas les quelques PV à grapiller par ci par là.) qui se réfèrent à la partie ville du plateau, la partie mine, le plateau individuel suite à la construction des bâtiments, et les jetons pélicans utilisés. Ce qui est très malin, c’est que si personne ne vient payer 10 pièces lors de son action « revenus » pour affecter un courtisan à l’un des 4 scorings, rien ne se passe pas, personne ne gagne de PV. Si un courtisan est affecté, chacun peut potentiellement gagner des PV à la fin des dernières manches. Grosse gestion de timing encore une fois ici puisque chaque joueur poursuivra sa stratégie, et pourra l’adapter en cours de jeu. Par exemple, s’il est seul à pouvoir gagner des PV sur un scoring, il va potentiellement investir pour y placer des courtisans. Mais si 1 manche après, 2 autres joueurs peuvent aussi en bénéficier, le joueur aura peut-être intérêt à privilégier un autre axe de scoring, ou laisser les autres investir pour les courtisans.
Les 4 scorings sont fixes et ne changent jamais (Aurait-il été possible d’ajouter de la variété ici sans déséquilibrer le jeu ? Peut-être une extension à venir ?), on peut donc anticiper cela dès la 2ème partie, et savoir ce qui comptera ou non à chaque partie. Même si cela n’est pas impossible à remonter si vous ne faîtes que peu ou pas de PV sur ces scorings, dans ce genre de jeu c’est surtout si les autres en font beaucoup par rapport à vous que la différence se fera. Et j’ai assisté à des parties ou tout le monde se ruait sur les scorings, et d’autres où les joueurs ne jouaient pas ou peu ces scorings dans une sorte de poker menteur et pour inciter les autres à le faire à leur place.
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Un eurogame qui se camoufle
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Ce jeu se démarque du paysage eurogame habituel par les imbrications des guildes de départ, de la tension omniprésente, et du peu d’anticipation que le jeu amène. Vous partagez 2 de vos guildes avec 2 adversaires, et comme je l’ai déjà dit, leurs actions vous impacteront directement et dès votre prochain tour. Avec ça il est bien difficile de se préparer 3 tours d’avance comme dans beaucoup d’euro, vous allez plutôt suivre avec attention les actions des autres joueurs, et pester ou jubiler intérieurement (ou extérieurement) quand un adversaire débloquera ce satané cout du bois qui rendait chaque bâtiment bien trop cher à construire pour vos maigres finances. A votre tour, ce bois est passé à 1 ou 2 et vous posez fièrement votre carte action « Bâtiment » pour construire enfin le bâtiment que vous gardiez de côté. Mais vous l’aurez compris, à l’inverse, vous pourrez très bien attaquer votre tour en changeant votre stratégie (parfois contraint et forcé) car votre action « Revenus » vient d’être flinguée par votre voisin qui a fait fondre le coût du houblon. Merci à lui, et j’espère que vous aviez un plan B.
J’ai lu à droite à gauche que cela pouvait impliquer de l’analysis paralysis et rallonger la durée de partie. Je n’y ai pas été confronté plus que ça, et même si parfois un tour dure un peu plus, comme il n’y a au final que 2 actions à faire par tour (puis 1 dans le dernier tour de la manche), même si un joueur prend son temps pour s’adapter au marché et aux actions des autres, ça ne rallonge pas outre mesure. Environ 2 heures pour des parties à 4 joueurs avec un jeu bien tendu, parfait rapport temps/profondeur selon moi.
Donc oui, un jeu qui est clivant visuellement, des constructions de bâtiments, de la gestion de ressources, des tuiles à poser sur un plateau, des cartes pour déclencher des actions.
Mais, un timing hyper important, une tension constante, une manipulation de marché pour le cours des ressources (qui impacte la phase de construction et la phase de revenus), des scorings « participatifs » et de l’interaction omniprésente.
Jouer un jeu de plis en connaissant sa main, c’est bien trop simple. Avec Luz, on va corser l’affaire, vous seul ne connaissez pas votre main.
Luz reprend une mécanique que l’on connait mieux avec le jeu Hanabi, mais ici, pas de coopération, c’est chacun pour soi !
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Le gameplay commence donc par une phase de préparation où chacun va ranger les cartes qui lui ont été distribuées dans l’ordre croissant pour chaque couleur.
Les cartes sont de 5 couleurs, numérotées de 1 à 10 et sont colorées sur leurs deux faces.
Une fois cette étape terminée, on place une carte « High » au bout de la main (du côté le plus fort) et on la passe face cachée au joueur sur sa gauche. Il ne reste plus à chacun qu’à tenir ses cartes face numérotées vers les autres et nous voilà prêts à jouer !
Vous avez donc pour toute information le nombre de cartes de chaque couleur qui composent votre main. Ça fait peu, mais ne vous arrêtez pas là, le jeu est bien plus malin que ça !
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Vous avez également accès à une mine d’information : les mains de vos adversaires. C’est là que, comme pour un qui est-ce, vous allez en déduire ce à quoi la vôtre pourrait ressembler. Bien évidemment, toutes les cartes ne sont pas distribuées, de quoi laisser une part de mystère et surtout des choix très intéressants en cours de manche.
Le jeu, comme le reste de son gameplay, est classique, un must follow avec l’atout en blanc. Couper n’est pas obligatoire si on n’a pas la couleur demandée.
Les plis vont vous permettre de découvrir votre main, c’est là que la préparation de la manche est importante, par le rangement croissant de vos cartes.
Découvrir la carte que l’on joue, c’est bien, mais c’est un peu trop tard, on ne va pas faire machine arrière. En revanche, sa position dans sa couleur vous permet de savoir si les autres cartes de votre main de la même couleur sont plus ou moins fortes qu’elle.
C’est là qu’on voit déjà le potentiel de fun, de prise de risque et les grosses surprises qui peuvent tomber. Penser jouer un 5 et poser un 9 ? Mince, ce n’était peut-être pas prévu et normalement, si vous ne jouez pas avec des joueurs de poker professionnels, l’expression sur le visage du joueur risque d’en dire long et d’en faire rire plus d’un.
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Mais bon, à quoi cela sert-il de gagner ou de perdre des plis ? À remporter votre pari pardi !
En effet, une fois votre main disposée à la vue de tous, vous allez parier. Parier sur le nombre de plis que vous pensez faire avec cette main que vous ne connaissez pas.
Pas évident comme approche et le pari reste une des mécaniques les moins intuitives dans les jeux de plis, surtout lors de vos premières parties. Mais rassurez-vous, le gameplay plutôt simple du jeu va vous permettre de mieux prévoir le potentiel de votre main et surtout, il existe le jeton « and 1 ». Avec ce jeton, vous pouvez faire un pari à +1, mais sans obligation de le réussir.
C’est gentil, mais ne soyez pas naïf, le jeu ne vous récompensera pas de la même manière.
En cas de pari sec, sans ce jeton « and 1 », réussi, c’est le jackpot ! 40 points pour vous.
La même chose, mais avec le « and 1 », ce ne sera que 20 points. Eh oui, on joue sérieux ou on ne récolte que des miettes.
20 points, c’est toujours mieux que de se tromper, dans ce cas, ce sera une perte de 10 points par pli d’écart entre votre pari et ceux réalisés.
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LUZ est un jeu fun, rapide et avec des retournements de situation. Il coche de nombreuses cases et même une propre aux jeux coopératifs, la communication limitée.
Une notion souvent floue, qu’est-ce que je peux dire ou ne pas dire, est-ce que ma manière de ramasser un élément de jeu est une forme de communication ? Est-ce que je dois limiter mon mouvement ? Comment faire ?
Avec Luz, la limite dans la communication est nette et elle sera sans pitié. Cela arrive généralement quand un joueur hésite sur la carte à jouer, un autre lui dira que cela n’influence pas le pli et là… patatra ! Vous venez de donner des infos sur leurs mains aux deux autres joueurs autour de la table ! La communication limitée, c’est ça.
Ici, pas de coopération, donc vous allez l’appliquer à la lettre sans vraiment vous en rendre compte.
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Tout cela fait de Luz un très bon jeu, mais il a tout de même quelques points négatifs. Le jeu parfait n’existe toujours pas.
LUZ ne se joue qu’à 4, tout simplement parce que la main de chaque joueur est de 10 cartes et que jouer avec à peine 60 % du paquet devient clairement trop chaotique.
La version japonaise propose des graphismes pour le moins sobres. Bien que ça reste un jeu de plis, l’intérêt du thème est encore plus limité que dans un euro, à de rares exceptions.
Mais Luz essaie de proposer quelque chose de difficilement compréhensible avec cette pièce blanche. La VF sera assurément bien plus jolie.
Voilà donc Luz ! Du pli oui, mais sans voir sa main, et ça, ce n’est pas banal !
Luz est un jeu hybride, il utilise cette mécanique d’informations partagées que l’on rencontre dans des jeux coopératifs et en fait son cœur de gameplay. Cela en fait un jeu unique que je vous invite à essayer.
Le plateau. Un nom tout à fait francophone et pourtant, c’est aux Etats-Unis que le jeu à été créé. Son gameplay parlera à beaucoup de joueurs, il reprend les règles du tarot avec quelques changements et surtout l’ajout d’un plateau qui révolutionne tout !
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Le jeu est auto-édité et il n’est disponible que sur Etsy, un site de e-commerce ou chacun peut vendre son artisanat. Il vous est possible d’y acquérir le plateau… Du plateau, un bel objet en bois avec des jetons représentant les têtes et principaux atouts d’un jeu de tarot ainsi que des jetons numérotés pour chaque pli de la manche.
Pour le paquet de cartes en revanche, ce sera avec celui qui prend la poussière au fond d’un tiroir oublié ! Et si vous vous êtes immédiatement écrié « mais pas du tout moi mon jeu de tarot est toujours à portée de main » déjà vous êtes des champions et en plus la suite va vraiment vous plaire.
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Dans le plateau, on reprend donc les règles du tarot avec quelques ajustements :
– L’excuse est le 22 d’atout. (Personne au-dessus quoi.)
– Quand on appelle un partenaire, il se déclare immédiatement.
– On n’est pas obligé de monter à l’atout. (De surcouper.)
Le plus gros changement va surtout venir de ce plateau central sur lequel on retrouve toutes les têtes, le 21 et l’excuse ainsi que les 6 plus petits atouts et 13 jetons pour les 13 plis d’une manche.
Votre but n’est plus de remplir un contrat avec un nombre minimal de points, désormais, vous devez relier des côtés de ce plateau !
Deux coté opposés pour le pari minimum jusqu’aux 6 coté de l’hexagone pour le pari maximal. Il nous reste deux paramètres sur lesquels parier ; le nombre de joueurs par équipe. En effet, vous pouvez partir seul contre les autres ou appeler un partenaire (ou 2 à 6 joueurs uniquement).
Et pour finir le chien : avec ou sans ?
Ces 3 paramètres combinés vont définir votre pari et ensuite aux autres de passer ou de surenchérir.
Le tout se passe au dos du couvercle du plateau, c’est malin, c’est efficace.
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S’ensuit la phase « du jeu de la carte » ; le plus simple, c’est un exemple :
Nous sommes 4 et pour ce premier pli au final, on a le roi de pique, le valet de pique le 6 de pique et un petit malin qui coupe avec le 3 d’atout.
On va placer sur le plateau des marqueurs de l’équipe qui remporte le pli sur le roi, le valet, le 3 d’atout et le jeton du premier pli.
Si cette équipe est celle du joueur qui a remporté la phase de pari, les « attaquants », ces jetons composent le début du pattern, du canevas, que vous souhaitez créer.
Dans le cas inverse d’un pli gagné par l’équipe « en défense », ce sont des points du plateau qui permettront, s’ils sont reliés à d’autres de fermer le jeu et de bloquer le canevas possible de l’attaque.
Vous comprenez donc que vous n’allez plus jouer les cartes rapportant le plus de points, mais des cartes dont la position sur le plateau est intéressante.
S’ensuit une phase de pli où, par moment, certaines cartes deviendront les plus importantes, leur position étant le dernier point de passage possible pour valider le pari ! La tension sera également sur certains plis puisque chaque pli dispose d’un jeton.
C’est tout le tarot qui s’en voit revisité pour un résultat bien plus gourmand et croquant (A lire avec l’accent de Cyril Lignac.). Le résultat est plutôt impressionnant, le tarot, mais avec une profondeur supplémentaire, des décisions encore plus intéressantes et des cartes anodines qui deviennent primordiales avec l’avancée des plis.
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Le jeu n’est pas sans reproche non plus. On arrive sur un de mes thèmes favoris : le nombre de joueurs.
Le plateau sur le papier, c’est de 2 à 6 joueurs, mais en réalité, c’est 4 ou 5. Un peu comme le tarot en fait ! Tout simplement parce qu’un jeu avec une telle profondeur nécessite de la maîtrise et de l’interaction. À 6 joueurs, c’est le chaos et à 2 ou 3, c’est mou et sans grand intérêt. Mais bon pas de souci vu qu’à 4 ou 5, on est en présence d’un très grand jeu de pli !
Le plateau propose tout ce que fait le tarot en mieux et avec une profondeur de réflexion supplémentaire. En revanche, il retire les annonces, ce qui me dérange. En effet, les grands classiques disposent d’un système d’annonces qui est ici évincé. Ça ne modifie pas profondément le jeu, mais vous savez comment sont les vieux joueurs, il ne faut pas trop nous bousculer.
Vous le comprendrez, ce jeu me bluffe. Je ne pensais pas possible de revisiter un tel monument qu’est le tarot et surtout de le rendre encore plus intéressant.
Bien évidemment, le jeu est introuvable de ce côté de l’Atlantique. Il est disponible via Etsy comme je l’écris plus haut, mais attention, les frais de port et les taxes seront élevés. Pour autant, tout n’est pas perdu ! La page BGG le rappelle : le jeu est disponible également en PNP, les règles se trouvant sur cette même page !
Et si vous jetez un œil dans le forum, il y a même un fichier pour la version 3D.
Amateurs de plis, tapeurs de cartons et amoureux des doubles poignées, le platoww (à l’américaine) c’est à jouer !
Tout ce qui va suivre est une réflexion personnelle. C’est une opinion qui n’a pas d’autre l’ambition que d’énoncer mon ressenti et non une vérité absolue. Internet semble nous le faire oublier, nous avons le droit de ne pas être d’accord, d’avoir des idées, des perceptions, des convictions contraires sans s’envoyer des noms d’oiseaux sous forme de tweet ou d’autres choses.
J’ai le plus profond respect pour vous et si à la fin de votre lecture, vous n’êtes pas convaincu par ma prose mon respect restera le même. J’espère que vous ferez de même pour moi…
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En tant que joueur, je pense avoir connu l’âge d’or du jeu de société. Une époque où on attendait la sortie annuelle des éditeurs que l’on aimait, où l’on pouvait jouer à tout ce qui sortait sans avoir ni l’argent, ni le temps libre d’un rentier millionnaire. Les auteurs étaient des explorateurs qui tentaient des choses, se foiraient souvent mais nous offraient parfois des petits bijoux d’originalité ludique. Les bons jeux étaient vraiment bons. Les jeux mauvais, vraiment mauvais mais tous étaient sincères. Les pires sorties n’étaient pas le produit d’un mesquin calcul financier ou d’un travail à la chaîne mais d’un aveuglement. Ce genre de jeu qui devait amuser son créateur et ses copains mais qui n’auraient jamais dû franchir le rubicon de l’édition.
Cette époque est révolue. De nos jours, les éditeurs se sont mis en tête (à tort ou à raison) que pour survivre il fallait produire. Il faut sortir du jeu pour exister sur les étagères des boutiques et les fils des influenceurs. Même si les étals débordent et les influenceurs sont débordés, incapables de gérer la masse de jeux créés par cette hyperproduction. Les éditeurs doivent gérer entre des temps de production de plus en plus serrés et des attentes des joueurs de plus en plus importantes.
Pour se démarquer, la plupart misent plus sur la forme que sur le fond. L’effet “Wahou!” est souvent privilégié aux longues phases de tests et aux peaufinages de règles.
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De leur côté, les auteurs se sont professionnalisés. Ils se regroupent, s’organisent à la fois pour défendre leurs intérêts et pour profiter de l’émulation collective et perfectionner leurs protos. Et ça a l’air d’avoir augmenté la qualité de ses derniers. Les règles proposées aux éditeurs sont plus propres et les mécaniques moins cassées. Le revers de la médaille, c’est un manque d’innovation. Si on veut “faire carrière” dans la création de jeux, il faut publier un maximum de jeux. Et pour ça, les auteurs ont établi des stratégies en proposant des protos correspondant aux attentes des éditeurs. Ils ne créent plus pour eux ou pour des joueurs, ils produisent pour des éditeurs et leur vision du marché. Il faut rentrer dans des gammes, réfléchir en amont aux contraintes matérielles, se soumettre aux logiques de production. La conséquence, pour nous joueurs, c’est une offre de jeux qui s’uniformise. En suivant tous le modèle du jeu “qui marche”, tous les jeux finissent par se ressembler.
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Je ne sais pas pour mes collègues mais, en ce qui me concerne, plus les années avancent et moins j’ai de coup de cœur. Des jeux qui m’épatent et m’impressionnent. Les boîtes restent de moins en moins longtemps sur mes étagères. Elles subissent un turnover cruel. Enfin… “Subissait” parce que je me suis lassé de cette valse incessante. Plus l’offre augmente, plus mes achats baissent. Plus s’accroît mon désir de me concentrer sur un petit panel de jeux assez originaux et bien foutus pour avoir envie de les épuiser jusqu’à la corde.
Fort de sa popularité grandissante, le milieu du jeu de société est passé de l’artisanat parfois un peu foutraque à la logique industrielle. Ça a ses bons côtés, il y a moins de jeux complètement pétés et les conditions des auteurs semblent s’être améliorées. Malheureusement, on a aussi perdu des choses. L’originalité, la sincérité, l’authenticité. Des qualités difficiles à évaluer mais qui forgeait un rapport différent du joueur au jeu et à ses acteurs. Certains éditeurs se plaignent du clientélisme des joueurs actuels mais est-ce vraiment de leur faute ? N’est-ce pas juste un signe du temps ? Une époque qui se termine.
Le Stonemaier nouveau est arrivé ! Cette année, l’animal à l’honneur est l’abeille. Le jeu est designé par Connie Vogelmann, c’est son premier projet, son second fera grand bruit également, son petit nom ? Wyrmspan.
Le jeu nous arrive en français par Matagot. Il est prévu pour 1 à 5 joueurs avec une durée de partie de 25 min par joueur.
En termes de gameplay, Apiary propose de la pose d’ouvriers sans blocage. Si un emplacement est occupé par une abeille, vous la poussez sur le plateau de son propriétaire en augmentant sa valeur de 1. Si une abeille doit passer à une forme de 5, elle va entrer en hibernation, ce qui rythme la partie : quand les chambres d’hibernation sont pleines, la partie prend fin, enfin !
Un « bête » placement d’ouvrier. Apiary se joue en pilote automatique. On cherche des ressources ? Ça se passe par là. Augmenter mon plateau personnel avec des tuiles de stockage, d’amélioration ou de bonus ? Par là-bas.
Le jeu fonctionne ainsi, on enchaine les poses d’ouvriers pour optimiser ses points sur les tuiles de scoring que l’on récupère.
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Rapidement, j’ai eu le sentiment qu’Apiary n’est pas un jeu expert, un jeu initié me semble une meilleure définition. J’y ai trouvé les choix nombreux, mais avec la même finalité : peu importe l’enchaînement des actions, on arrive au but recherché de façon plus ou moins optimisée.
Le jeu reste plaisant pendant la partie, les actions sont satisfaisantes, on peut comboter avec les cartes qui proposent de nombreuses options permettant de contourner les règles et de booster les actions. Le revers de la médaille sera le temps d’attente de la fin du tour précédent, surtout en cas de pioche de carte. Il n’y a que peu de texte, mais cela peut tout de même retarder le tour et prolonger l’attente.
Cette mécanique à base de cartes à pouvoir n’est pas ma préférée, de plus, la pioche à l’aveugle est trop chaotique là où les tuiles proposent un marché (3 tuiles de chaque). Encore un aspect qu’un jeu expert ne peut pas avoir.
Le choix d’une action n’a pas assez d’importance, assez de tension. Je pensais que le choix de l’emplacement d’action serait bien plus primordial, se placer pour être éjecté et accéder plus rapidement aux ouvriers de force 4 (force maximale). Mais avec tous les moyens de contourner cette restriction entre les cartes, les planètes et les tuiles, le choix de l’action est secondaire.
Un petit mot sur la piste des faveurs de la reine, piste pour rattraper la perte de ressources, elle sert aussi de compensation sur les actions que l’on propose aux autres. Je la trouve totalement sous-exploitée, une simple piste qui donne des points de victoire en fin de partie, c’est maigre.
On va alors enchaîner les actions pour se charger en ressources, les transformer et construire de quoi scorer au maximum et on recommence. C’est vite redondant, peut-être pas dès la première partie où le temps de découvrir les actions, les possibilités et le gameplay masqueront ce cercle des actions, mais après quelques parties, le jeu est redondant, on repart pour un tour, on regarde les tuiles de score disponibles, les tuiles de bonus pour accélérer le mouvement et on pose des abeilles en espérant y arriver le plus vite tout comme le fait que la partie ne s’éternise pas non plus.
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Les jeux Stonemaier sont asymétriques. Ils manquent également de développement, ce qui rend certaines parties bancales ; le meilleur exemple reste Tapestry qui vient à peine de se voir affublé de peuples « équilibrés ».
Dans Apiary, nous sont proposés 20 peuples avec leurs ressources de départ différentes et leurs bonus. Je n’ai pas remarqué d’énorme différence entre les quelques peuples que j’ai joués, certains n’étant jamais choisis, je reste dubitatif sur l’équilibrage.
Côté matériel, je suis également déçu. Une grosse abeille et quelques dés de couleur à la forme de l’insecte, c’est tout. Le reste est quelconque, voire décevant pour les plateaux joueurs qui me rappellent ceux du tout premier Terraforming Mars. Des joueurs ont également été gênés par la cire et le miel, qui sont 2 ressources en bois doré, mais qu’ils trouvaient proches. En tout cas, les ressources en bois sont correctes, le reste « normal ». Pour un jeu à 70 €, j’en attendais plus.
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Au final, Apiary me laisse un goût amer. J’arrivais sur un jeu premium et expert, je termine avec une boite quelconque et un gameplay initié. Jeu hypé, jeu en danger, vous me direz, peut-être même si je n’en attendais pas tant.
Le jeu reste agréable durant la partie, mais rapidement, on va tourner en rond. Heureusement, la partie ne s’éternise pas.
Certains diront que c’est un jeu de la pile de jeu, clairement oui, je ne pense pas qu’il restera longtemps dans ma mémoire de ludiste.
Dommage, le thème semblait dénoter une recherche ou une proposition de la part de l’éditeur et surtout, je redoute l’arrivée du fameux Wyrmspan dans quelque temps.