Test : Les rats de Wistar

Test : Les rats de Wistar

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

Au Labo, l’attribution des jeux fait souvent l’objet d’âpres négociations, que tranche dans sa grande sagesse notre bien aimé Lider Maximo. Mais là, j’avais une longueur d’avance sur mes concurrents. Voyez-vous, ma femme est du signe du Rat, alors autant vous dire que je suis devenu un expert de ces adorables bestioles. Ce sont des créatures calculatrices, très malignes, quelque peu fourbes, toujours à l’affût d’un bon morceau de fromage, et non je ne suis pas en train de parler de ma chère et tendre, cessez ces sous-entendus. Bref, je sais tout sur les rats, en plus j’ai vu Ratatouille 27 fois, j’étais donc tout désigné pour me coller à la critique de Les Rats de Wistar, le nouveau jeu de Simone Luciani chez Intrafin.

Minus et Cortex partent à la campagne

Comme son nom l’indique, le jeu vous invite à montrer qui c’est Raoul au sein d’une colonie de rats surdoués de la récup’ : cinq manches pour récupérer des ressources, agrandir votre campement, déployer d’autres rongeurs à votre solde, explorer la maison des humains d’à côté et leur sous-sol, et bricoler tout un tas d’inventions à la Géo Trouve Tout. Ça a l’air peu dit comme ça, surtout qu’il faudra composer avec uniquement trois ouvriers tout au long de la partie, mais Rats of Wistar est de ce genre de jeux qui proposent de jolis effets boule de neige à qui aura su prendre le rythme. Quant aux autres ? Ils risquent de souffrir et de trouver le temps extrêmement long.

Le jeu demande en effet régulièrement d’anticiper nos prochaines actions, et d’optimiser leur enchainement. Première originalité, la puissance d’une action principale est déterminée par le nombre de tranches de pain de mie (avouez, la ressemblance est troublante) qu’on aura déployé dans la zone de l’action, sous-sol, sous-bois ou habitation humaine. Et ces pains de mie, ils ne sont qu’au nombre de deux au départ, même s’il est recommandé d’en débloquer d’autres par la suite. Evidemment il est possible de les déplacer d’une zone à l’autre, avant ou après l’action principale, mais les points de déplacements sont une denrée rare qu’il faut économiser. Il faut donc en permanence réfléchir comment tirer profit de leur présence avant de les changer de zone, quand procéder à leur migration, comment en déployer d’autres.

Tourne, tourne, petit rongeur

L’autre particularité, c’est que les emplacements pour nos rats ouvriers sont mouvants : tout est géré par une roue qui tourne d’un sixième à chaque début de manche, ce qui va modifier le nombre d’emplacements disponibles pour chaque action principale, ainsi que les actions bonus associées. Lorsque qu’il y a trois spots pour l’action de récolte ou de construction de chambre, c’est tranquille, surtout qu’un joueur ne peut se placer qu’une seule fois sur chaque action principale. Lorsqu’il n’y a qu’un emplacement, c’est tout de suite la guerre et les nervous breakdowns comme on dit dans le Bouchonois. Vous rajoutez à cette gymnastique la fameuse question de l’œuf ou de la poule (je débloque d’abord de nouveaux rongeurs, ou je creuse plutôt les pièces qui accueilleront leurs chambres ?), les différents badges à obtenir pour scorer des objectifs, réaliser des missions ou bricoler des inventions, et vous obtenez du jonglage épreuve olympique.

Heureusement, les actions gratuites sont là pour alimenter les combos et mettre de l’huile dans les rouages, et il est assez satisfaisant de déclencher l’action qui permet d’enfin engranger toutes les récompenses qu’on visait depuis trois tours, sans parler de la mine déconfite de nos adversaires. On explore la maison, pose une carte trouvaille, réalise une mission, puis un objectif, ce qui nous donne une action bonus sympathique, le tout en déplaçant notre piétaille dans un ballet gracieux. On est dans la zone, et tout semble s’enchainer naturellement, le sentiment est grisant. Je suis nul à Barrage, mais il parait qu’on y retrouve le même genre de sensations.

Tu sais ce qu’elle te dit, la rouetourne ?

Et puis il arrive que tout aille de travers, et qu’on ait le sentiment d’être en permanence à contre-temps. Clairement, la mécanique de roue d’actions est celle qui demande le plus d’efforts pour préparer les manches qui suivent, avec des actions bonus qui sont parfois idéalement corrélées aux actions principales, et d’autres fois complètement disjointes. Il faut alors savoir se tourner vers un autre pan de notre développement de colonie, ce qui amène vers un autre écueil : il y en a beaucoup et on ne peut évidemment pas tout faire. Certains disent qu’on ne peut pas réussir sans explorer, d’autres cartonnent très bien sans, la réalité est que toutes les stratégies se valent plus ou moins, tant qu’on ne perd pas de temps pour l’exécuter. Plus facile à dire qu’à faire.

Attention donc à la frustration, le jeu aura tôt fait de se transformer en un long chemin de croix si vous n’arrivez pas à trouver le rythme dans l’enchainement des actions. Les missions demandent des badges qu’on n’a pas, les ressources ne sont jamais assez suffisantes, on gaspille des mouvements pour pas grand-chose, les objectifs ou les emplacements nous passent sous le nez, on visualise les rouages mais tout semble terriblement rouillé. Il serait dommage de mettre le jeu à la poubelle à cause d’une mauvaise expérience pour autant : il fonctionne très bien et les différents axes de développement sont plutôt équilibrés, il y a tout à fait moyen de prendre des points ailleurs si quelqu’un se précipite sur les ressources ou sur l’exploration avant vous. Ou même sans être premier joueur de toute la partie. Bref, il vaut le coup qu’on s’accroche et qu’on se frotte à la courbe de progression légèrement pentue. Même si les autres joueurs seront toujours là pour faire rien qu’à nous pourrir notre expérience de jeu.

Terrier tout confort, magnifique vue sur les égouts

La bonne nouvelle, c’est qu’avec un solo aussi solide que celui de Rats, plus besoin de subir les râleries de Jean-Michel et les gestes brusques de Jean-Pascal, qui manque à chaque fois de renverser son lait fraise quand il va pour prendre une carte. Juste vous, le bot, et quelques cartes pour gérer la difficulté, l’exploration et les actions de ses méca-rongeurs. Même si celles-ci sont aléatoires (dans une certaine limite, le nombre de cartes n’est pas infini), les bonus que le bot est susceptible de vous voler sous le nez sont eux planifiés, et avec logique, ce qui permet d’anticiper, de temporiser aussi, de prioriser sa stratégie, à l’instar de ce qu’on peut faire lors d’une partie avec de vrais joueurs. Bref le solo est une belle réussite, le designer Mauro Gibertoni a fait du beau travail pour garder les sensations de l’expérience multijoueur, tout en proposant une échelle de difficulté beaucoup plus fine que ce qu’on trouve habituellement.

Les jeux de pose d’ouvrier, ce n’est pas ce qui manque dans le paysage platéoludique (oui parfaitement, platéoludique), et on a parfois l’impression d’avoir fait le tour. Et puis de temps en temps, on tombe sur un jeu qui propose un petit twist qu’on ne connaissait pas, ou qui trouve le bon équilibre fun/complexité même si la formule est vue et revue. Rats fait un peu tout ça, et sans révolutionner le genre, réussit très bien ce qu’il entreprend. Si en plus vous rajoutez des illustrations très agréables avec un choix de couleurs bucolique, et un solo carrément solide, vous obtenez un jeu avec certes un potentiel de crispation bien réel, mais qui saura se faire une belle place dans de nombreuses ludothèques.

Disponible ici :

Prix constaté : 54 €

Test : Knarr

Test : Knarr

Knarr est un jeu surprenant qui nous sort de nos habitudes de consomma-joueur. Il se glisse dans une petite boîte pour un jeu plutôt costaud ; se revêt d’un thème viking mais sans violence, ni pillage ; propose des choix tactiques et stratégiques volontairement réduits mais sans qu’il soit si abordable que ça.

Elle a tout d’une grande

La boîte de Knarr est de la même taille que celle de Très Futé (j’ai vérifié). Pourtant une fois le matériel installé, on a pas l’impression d’avoir affaire à un “petit” jeu. J’aime beaucoup le soin apporté à certains détails. Les cartes sont rangées dans des étuis cartonnés et les plateaux personnels possèdent trois encoches de chaque côté pour accueillir les jetons. Un moyen visuel très malin pour nous rappeler le nombre maximum de chaque ressource. Seul regret, la piste de renommée qui, une fois les pions posés dessus, n’est pas très lisible.

Les illustrations, quant à elles, sont juste magnifiques notamment les portraits de vikings qui sont en plus assez nombreux ainsi que les dos des cartes qui reprennent très joliment l’esthétique nordique.

Course de Knarr

“Knarr” c’est le nom d’un bateau. Contrairement au drakkar, celui-là était plutôt consacré au commerce. C’est une des originalités de Knarr, si on va se faire viking (c’est à dire prendre la mer pour faire des sous), on va moins se concentrer sur le pillage de monastères et aller faire ce que les hommes du nord faisaient aussi très bien, explorer et commercer.

Le jeu nous propose de la gestion de cartes et de ressources. A son tour, deux actions possibles : recruter ou explorer.

Recruter équivaut à poser une carte “viking”, on récupère alors la ressource associée ainsi que les ressources de TOUTES les cartes “viking” déjà posées devant nous à condition qu’elles soient de la même couleur que notre carte. Ensuite, on récupère en main une nouvelle carte ‘viking’ dans une pioche ouverte selon certaines contraintes que l’on peut ignorer en payant une ressource.

Explorer nous permet de récupérer une carte “exploration” qui va nous donner des bonus immédiats et venir augmenter le nombre de ressources récupérées quand on fait du commerce. Les cartes “exploration” se payent en carte viking, les plus chères sont de grosses sources de points de victoire.

La fin du jeu se déclenche dès qu’un joueur a atteint 40 points de victoire et c’est, bien sûr, celui qui en a le plus qui gagne. C’est donc une course et tout le sel du jeu est là. Il faut réussir à déterminer quand il est plus profitable pour nous de casser notre longue suite de vikings verts ou violets pour aller explorer. Même si le calcul est rendu plus complexe en raison de quelques mécaniques annexes comme la piste de renommée qui, une fois montée, offre des points de victoire à chaque tour, les ressources ‘recrues’ qui permettent d’explorer pour moins cher et le commerce, une action bonus qui demande une ressource spécifique pour être utilisée.

Bla Bla Knarr

Knarr a un aspect que j’aime bien mais qui peut déplaire, il ne se laisse pas apprivoiser facilement. On comprend ce qu’on nous demande mais les stratégies d’optimisation ne m’ont pas paru si évidentes à trouver lors de mes premières parties. C’est probablement pour ça qu’il offre rapidement les sensations d’un jeu plus “lourd” mais il ne faut pas s’attendre à une si grande profondeur. Le hasard est capricieux et peut rapidement compliquer une partie (surtout avec une mauvaise main de départ). Il n’y a pas non plus des milliers d’actions possibles surtout quand on cherche l’optimum. Plus on joue, plus on résout facilement les dilemmes et les coups deviennent de plus en plus évidents. Même si – c’est le bon côté du hasard – la possibilité de coups opportunistes maintient notre attention en éveil.

Il ne faut pas non plus s’attendre à un jeu de confrontation. Il n’y a pas d’interaction directe même si nous sommes clairement en compétition sur les cartes. C’est d’ailleurs pour ça que je le trouve plus agréable à deux. Les coups d’un seul adversaire étant facilement anticipables.

Petit mais costaud ?

Je suis heureux de voir que l’éditeur de Sea Salt & Paper continue de faire des boîtes juste assez grandes pour le matériel qu’elles contiennent. Ça ne les empêche pas d’ailleurs de nous offrir du contenu classieux et des illustrations de qualité. Pour autant, il ne faut pas prendre Knarr pour un jeu expert miniature. Une fois qu’on a compris que l’on ne fera pas des dizaines de parties avant d’en découvrir toutes les stratégies, l’expérience de jeu est très plaisante.

Knarr nous offre, avec beaucoup de réussite, notre dose de réflexion et de dilemmes tactiques. Il ne deviendra pas votre jeu de chevet mais sortira de temps en temps, notamment à deux. Je veux jouer à du lourd, ma femme ne se sent pas de faire une partie d’une heure et demi, Knarr semble être un bon compromis.

Disponible ici :

Prix constaté : 20 €

Test : Le Monde de Reterra

Test : Le Monde de Reterra

Cette critique a été rédigée à l’aide d’un exemplaire fourni par l’éditeur.

C’est vrai que j’arrive bien tard pour donner un avis sur un jeu qui a déjà disparu des radars !! Ainsi va la vie du monde ludique actuel où « le consommable » devient une norme commerciale.

Pourtant ce jeu est loin d’être inintéressant du fait qu’il possède toutes les caractéristiques de ce qui devient aujourd’hui une sorte de business model pour du mass market (la phrase fait peur, mais elle sera la seule du genre …promis !) :

  • Un auteur de renom : Eric M.Lang connu pour être une star de l’ameritrash associé à Ken Gruhl que je ne connais pas hélas !
  • Une maison d’édition aux reins solides : Hasbro
  • Un pacage soigné avec des rangements hyper pratiques permettant d’installer le jeu en quelques secondes
  • Un prix tout à fait acceptable compte tenu du matériel proposé
  • Un thème rassembleur : reconstruire le monde à partir des vestiges du passé au milieu d’une nature luxuriante et développer une communauté vivant en harmonie avec son nouvel environnement

Dans les travées de Cannes 2024, on entendait pas mal de hype autour du jeu avec la présence de Monsieur Lang himself aux explications.

source : pixegames.fr

Moi qui aime l’ameritrash, je me suis dit qu’il y avait un loup ! À mon avis rien à voir avec une nouvelle pépite à découvrir par l’auteur de Hank, Blood Rage, Rising Sun ou Cthulhu May Die…

Première surprise, Le Monde de Reterra est un jeu de pose de tuiles où vous (re)construisez votre communauté sur un monde qui ne ressemble en rien à notre monde actuel. Les vestiges du passé vont servir de fondations à l’épanouissement de la population et à la construction de bâtiments qui vont vous apporter prospérité et permettre de ne pas répéter les erreurs du passé.

Finalement si on résume, il s’agit d’un placement de tuile qui n’innove pas vraiment comme il en existe déjà beaucoup. Il se joue de 2 à 4 personnes pour un temps de partie d’environ 30 minutes.

À votre tour vous allez choisir une tuile parmi 5 apparentes dans une rivière qui se réactualise ensuite pour le prochain joueur et la poser devant vous. Vous aurez aussi trois tuiles distribuées au hasard en début de partie qui pourront le cas échéant remplacer la pioche si aucune des tuiles visibles ne vous donne satisfaction.

Cette première tuile sera la pierre angulaire de votre nouvelle communauté. Dès que chaque joueur(se) aura devant lui un « terrain » de 4X4 tuiles, on fera le décompte de points. Celui qui a le plus haut score l’emporte

Une tuile est composée de 4 cases représentant des terrains de nature différente : eau, prairie, désert, foret, asphalte. Si vous réussissez à aligner ensemble au moins sept cases de terrain identique, vous marquerez des points à la fin de la partie.

De plus, un certain nombre d’icone peuvent être sur cette tuile :

  • Des engrenages : quand vous réussissez à les aligner de façon à ce que les engrenages se touchent, vous pouvez poser un bâtiment. Les bâtiments vont de 2 à 4 cases avec des formes géométriques différentes. Bien évidemment, construire un bâtiment sur 4 cases engrenages rapportent souvent beaucoup de points même si pour autant il n’est pas toujours rentable d’attendre 4 tours pendant que vos adversaires adoptent des stratégies plus rapides. Vous pouvez dès la pose d’une tuile avec un engrenage, y déposer un habitant qui vous rapportera des points en fin de partie mais qui vous empêchera d’utiliser cet engrenage pour la construction d’un bâtiment. Le nombre de bâtiments étant limité, une course va vite s’établir afin de s’emparer des plus intéressants
  • Des reliques : ce sont des objets du passé qui en fonction du nombre et de la diversité que vous posséderez en fin de partie vous rapporteront des points de victoire

Il existe une tuile spéciale ; une sorte de générateur d’énergie entouré d’eau qui vous fera gagner des points en fin de partie si la tuile est entourée elle-même par d’autres tuiles terrain

Le monde de Reterra propose la possibilité de jouer avec 3 configurations différentes, avec chacune des objectifs et des bâtiments différents permettant de modifier les interactions et les stratégies possibles.

De plus dans chaque Kit de rangement, vous pourrez jouer avec des pouvoirs différents puisque les cartes de bâtiments sont recto verso. Ce qui donne au final 6 configurations différentes avec des interactions plus ou moins fortes car dans certains cas vous allez pouvoir « pourrir » l’harmonie de vos adversaires avec du bric à brac inutile qui leur enlèvera des points de victoire en fin de partie.

Comme j’ai pu le dire au départ, l’offre est plutôt bien marketée. Le jeu est simple et s’adresse à un public familial qui recherche un jeu à la fois interactif avec un matériel correct.

Pour autant, le jeu n’est pas exempt de défauts. Il a visiblement été développé pour une sortie rapide car de nombreuses situations de jeu vont rester sans réponse. J’ai regardé encore lors ce que j’ai débuté l’écriture de l’article, sur Boardgame geek, s’il y avait un errata ou des réponses permettant de statuer sur certaines situations. Il n’en est toujours rien et afin de pouvoir jouer sans s’écharper en fin de partie, il faudra statuer sur les points bloquants (nombre de pions reliques et habitants limités ou non, bâtiment hôpital, etc.)

J’ai fait tester le jeu dans toutes les configurations, il fonctionne bien à 2, 3 ou 4 même si je pense qu’à 3, il peut y avoir beaucoup d’opportunisme de la part d’un joueur si deux joueurs partent sur des stratégies similaires.

 Au final, c’est un jeu de tuiles avec une bonne interaction au matériel soigné, avec une proposition de stratégies variées, qui s’adresse à un public qui veut découvrir ce genre de mécanismes. Il rentre bien évidemment en compétition avec de nombreux autres jeux du même type.

Le livre de règles est clair et didactique. Son seul défaut et non le moindre, c’est qu’il ne détaille pas certains aspects du jeu qui vont, de toute façon, à un moment ou à un autre, poser problème dans leur interprétation.

Ce qui m’interpelle c’est que nous sommes en présence d’un type de produit qui a tendance à se multiplier ces derniers temps dans le milieu du jeu (confère aux critères de départ) et qui n’apporte pas grand-chose du point de vue ludique. Ce sont des produits de consommation qui par le buzz et la notoriété de l’auteur ou de la maison d’édition vont se vendre très bien dans un premier temps et qui vont finalement disparaitre très vite et encombrer la ludothèque. Pas sûr que le (la) joueur(se) que vous êtes et que je suis résiste longtemps à cette politique qui sera délétère pour tout le monde dans un avenir plus ou moins proche !

D’ailleurs ça me donne une idée de jeu ! Il s’appellera le monde de Luditerra et on (re)bâtira une communauté ludique sur les scories du marketing agressif de maisons d’édition sans scrupule. Cette communauté utilisera les vestiges du passé afin de vivre harmonieusement en réinventant des systèmes de jeux qui permettront à chacun de partager du plaisir autour d’une table !!!

Bon …Faut trouver un éditeur ! Pas sûr que ça marche et en plus ça me dit quelque chose !!!

Disponible ici :

Prix constaté : 36 €

Test : Arkade

Test : Arkade

Jeu à deux. Pour 7 ans et +. Pour une durée annoncée de 30 minutes (en vérité beaucoup moins que ça).

Sur la boîte d’Arkade sont crédités deux auteurs, Joan et Lucas Dufour. Un père et son fils. Ce qui est assez logique pour un jeu qui, volontairement ou non, joue à fond la carte intergénérationnelle.

De la borne d’Arkade !

Space Invaders est apparu dans les salles d’arcade en 1978. Je suis trop jeune pour l’avoir connu à sa sortie mais le jeu fait malgré tout partie de ma culture ludique. Du coup, la boîte d’Arkade et les illustrations délicieusement rétro de Mario Koichi Gushiken me parlent. C’est le premier point fort du nouveau jeu d’Auzou, en bon papa geek il m’intrigue. J’ai envie d’y jouer.

Une fois le matériel déballé, on n’est pas déçu. On retrouve la même ambiance sur le plateau de jeu, tout en restant lisible. Les petits détails comme le rebord en relief, les éléments 3D sur les vaisseaux ou les cœurs pixellisés sur les soucoupes volantes sont du plus bel effet.

Les envahisseurs de l’espââââââace

Mécaniquement, Arkade est un jeu à deux dans lequel l’un incarne les belliqueux extraterrestres, l’autre le vaillant protecteur de la Terre. Chacun lance ses dés à tour de rôle, l’un pour avancer vers la Terre promise, l’autre pour détruire les soucoupes violentes. On a le droit de relancer deux fois tout ou partie de ses dés et il est possible d’activer des bonus sous certaines conditions.

Le second point fort du jeu, c’est sa simplicité. En dehors de quelques retours à la règle pour se remémorer la teneur des bonus piochés, les tours s’enchaînent avec fluidité et la tension augmente au fur et à mesure que l’ennemi s’approche ou que nos forces s’amenuisent. C’est vrai qu’il arrive de temps en temps que la partie se passe si bien pour un joueur qu’il prend très vite l’ascendant. Mais vu qu’une partie dure dix minutes (quinze grand maximum), on ne le lui reprochera pas.

Une pièce de plus dans la machine

Une fois la partie terminée, on a envie d’en refaire une. Pourquoi pas en changeant les rôles ? Le co-auteur (le plus adulte des deux) m’a assuré que durant les parties tests les deux côtés étaient équilibrés. Je le crois sur parole même si un déséquilibre n’aurait pas été choquant. Arkade est clairement un jeu parent-enfant. D’ailleurs, la règle propose un moyen pour compliquer la vie du défenseur. C’est l’avantage des jeux au gameplay aussi limpide, on peut facilement mettre les mains dans les mécaniques sans nuire au ressenti général.

Arkade est un jeu qu’on veut découvrir, proposer à son enfant puis jouer et rejouer avec lui. Que ce soit sur le plan nostalgique, graphique ou mécanique, c’est une vraie réussite.

L’édito du Labo #9 – C’est quoi un bon jeu ?

L’édito du Labo #9 – C’est quoi un bon jeu ?

Qu’est-ce qu’un bon jeu ? Quand on prend pour habitude de donner publiquement son avis sur les jeux de société, on se retrouve tôt ou tard confronté à cette question. J’aimerais pouvoir donner ici la méthode parfaite et incontestable pour déterminer ce qu’est un bon jeu. Néanmoins, un test, une critique, un avis, tout ça est et restera une opinion subjective. Pour autant, il y a une différence entre affirmer qu’un jeu est bon et dire qu’on l’a aimé.

Quelles différences y a t’il entre un bon et un mauvais chasseur ?
crédit photos : Les Inconnus

Parce que le jeu est une rencontre.

Le jeu est une rencontre entre un joueur et un jeu. Et, un peu comme un rendez-vous galant, pour que ça marche, il ne suffit pas que l’un et l’autre se plaise. Le contexte est essentiel. Si on est dans le bon mood, avec les bonnes personnes et que l’ambiance s’y prête, on peut apprécier un jeu que l’on n’aurait jamais aimé sinon.

Vous ne me ferez pas jouer au bridge, pourtant je suis ému rien qu’à l’évocation de ce tapis vert que l’on sortait pour taper le carton avec mon frère et mes parents. 

Hansa Teutonica est l’un de mes jeux préférés. Pourtant la pire partie de ma vie a eu lieu autour de son plateau à la nocturne du FLIP sous le coup de deux heures du matin avec les amis particulièrement infects de mon beau-frère.

Le jeu est une rencontre. Et c’est de cette rencontre que va dépendre votre estime pour un jeu. Vous avez pu l’adorer ou le détester, ça vous appartient. A moins d’être un parfait imbécile, jamais personne ne remettra en question vos sentiments. 

Il n’y a pas de débat à avoir sur la légitimité d’aimer ou pas un jeu. Par contre, se demander si un jeu est bon ou mauvais est une question très différente. Elle demande de prendre de la hauteur et de s’interroger sur des sujets qui ne nous intéresseraient pas autrement.

La thématique est-elle bien pensée ? L’édition est-elle adaptée ? Le matériel va-t-il résister sur la durée ? 

La promesse du jeu est-elle tenue ?

Un jeu est une promesse. On n’en a pas forcément conscience mais dès le premier coup d’œil, le jeu nous parle. D’abord, la taille de la boîte, l’illustration de couverture choisie, le fameux triptyque (nombre, âge, durée). Ensuite, ça continue avec la photo et le petit texte au dos de la boîte. Enfin le nombre de pages de la règle, sa présentation, la qualité du matériel et sa quantité. 

Autant de messages que le jeu nous envoie. Cela crée une attente. On anticipe déjà les émotions qu’il va nous faire ressentir avant même d’y avoir joué. 

Cette promesse-là, on peut l’évaluer. On peut dire si un jeu tient ou non ses promesses.

Bien sûr, ça va nécessiter de bien comprendre la promesse initiale. Parfois, c’est facile surtout quand l’éditeur a bien fait son boulot. (Ils doivent souvent s’en arracher les cheveux d’ailleurs). Parfois, ça l’est moins quand le jeu sort des sentiers battus ou que les messages envoyés ne sont pas clairs.

Après, il faut creuser pour comprendre pourquoi les sensations étaient bonnes ou, au contraire, absentes. Extirper de notre expérience, les qualités essentielles et les défauts rédhibitoires pour pouvoir en faire un retour pertinent.

Un bon jeu est un jeu qui tient ses promesses ludiques

C’est cela qu’à mon sens, une critique de jeu doit exprimer. Les qualités et les défauts qui permettent ou non à mes parties d’être l’expérience ludique que le jeu a fait espérer. 

L’appréciation d’un jeu de société dépend de tout un tas de facteurs extérieurs très divers. Cela ne veut pas dire que les critiques soient à jeter pour autant. Même la meilleure des critiques sera toujours empreinte de subjectivité mais on est au-delà du simple “à mon avis”. C’est aussi une analyse. Un état des lieux argumenté de ce que vous pouvez attendre d’un jeu en termes de sensations. 

Lire une bonne critique, c’est être en face d’une personne qui a essayé de comprendre la promesse du jeu et de vous la restituer avec le plus d’exigence possible.

C’est, en tout cas, le but que je me suis fixé et que je pense partager avec tous ceux qui écrivent au Labo des Jeux.