Test : Gorinto
Mais c’est quoi un Gorintō ?
Gorintō (五輪塔?) (« tour à cinq anneaux ») est le nom d’un type japonais de pagode bouddhiste qui aurait été adopté en premier par les sectes Shingon et Tendai au milieu de l’époque de Heian. Utilisé à des fins commémoratives ou funéraires, il est donc fréquent dans les temples bouddhistes et les cimetières. Il est aussi appelé gorinsotōba ou gorinsotoba (五輪卒塔婆?) (« stūpa à cinq anneaux ») ou goringedatsu (五輪解脱?), dans lequel le mot sotoba est une translittération du mot sanskrit stūpa.
Dans toutes ses variations, le gorintō comprend cinq anneaux (bien que ce nombre puisse être souvent difficile à déceler sous la décoration), chacun ayant l’une des cinq formes symboliques des cinq éléments, (ahābhūta (en) en sanskrit, ou godai en japonais) : l’anneau de terre (cube), l’anneau de l’eau (sphère), l’anneau du feu (pyramide), l’anneau de l’air (croissant) et l’anneau de l’éther (ou de l’énergie, ou du vide). Les deux derniers anneaux (air et éther) sont visuellement et conceptuellement unis dans un seul sous-groupe.
La dernière forme, l’éther, est celle qui change le plus selon le pays et au Japon, elle est proche de celle d’une fleur de lotus. Les anneaux expriment l’idée qu’après leur mort physique, nos corps reviennent à leur forme originale élémentaire.
Les gorintō sont généralement faits de pierre, mais il en existe en bois, en métal ou en cristal.
La théorie des cinq éléments est née en Inde mais le développement du gorintō japonais montre la profonde influence du mikkyo, et en particulier de Kūkai et de Kakuban. Le gorintō semble avoir commencé à être utilisé durant la seconde moitié de l’époque de Heian. Les plus anciens exemples connus se trouvent à Chūson-ji, préfecture d’Iwate. Ils constituent un mélange de gorintō et de hōtō (tour bouddhiste à deux niveaux) et remontent à 1169. Ils sont devenus d’usage courant à l’époque de Kamakura et sont encore largement utilisés aujourd’hui pour les monuments commémoratifs et les tombeaux, en particulier — mais pas exclusivement — dans les temples bouddhistes.
Un gorintō est par exemple la forme traditionnelle de pierre tombale utilisée dans le bouddhisme Shingon.
Comme on n’a encore trouvé le gorintô nulle part ailleurs en Asie, on croit qu’il a été inventé au Japon au 12ème siècle au Japon. Un dessin fait en 1122 en est le plus ancien témoin. Vu que les bouddhistes ésotériques du courant shingon l’ont en particulier apprécié, il nous semble probable qu’ils l’ont conçu, bien qu’il n’y ait aucun document fiable sur son origine. En tout cas, les gorintô de pierre ont été construits en grand nombre à partir de la fin de l’époque Heian.
l
Et le jeu dans tout ça ?
Gorinto est donc un jeu de Yaner Richard, illustré par Josh Cappel, édité en français par Super Meeple, pour 1 à 4 joueurs (une extension existe pour un 5ème joueur), à partir de 13 ans, pour des parties allant de 30 à 60 min.
l
Le matériel :
l
Concernant la qualité du matériel, si vous êtes allergique au plastique, vous allez être embêté. Effectivement, le plastique et la qualité des tuiles aurait pu être un peu plus qualitative, un peu plus épaisse mais ici les tuiles s’empilent réellement donc il a été choisi la praticité plutôt que le confort de jeu.
La mise en place étant un peu longue, il va falloir s’atteler souvent à décrocher une à une les tuiles à l’aveugle dans la poche (oui on dit comme ça dans le Sud-Ouest ^^) opaque avant de les disposer. Poche, qui est d’une taille bien adaptée pour contenir les tuiles, les mélanger, et les saisir quelle que soit la taille de votre main.
Le plateau est fait de carton épais et les plateaux individuels sont du même matériau, solide et pratique. Je pense que le jeu, même si vous le sortez tous les soirs, aura une bonne durée de vie qualitative.
l
A quoi ça ressemble ?
l
l
Comment on joue ?
l
Un jeu abstrait ?
Gorinto rentre dans la case des jeux abstraits, qui sont des jeux souvent combinatoires dont l’absence de thème en définit la condition.
Un jeu abstrait se définit surtout donc par une absence ou un plaquage du thème, car de nos jours les éditeurs font quand-même l’effort d’agrémenter les jeux abstraits d’un univers, une thématique lui permettant de s’installer dans un contexte particulier. Les jeux abstraits d’antan évoluent et deviennent jolis, travaillés, voire très présentables, comme Azul (Plan B), ou bien Santorini (Asmodee).
Gorinto est donc un jeu de réflexion, combinatoire, avec un degré d’opportunisme et d’adaptation important.
L’opportunisme sera plus ou moins marqué en fonction du nombre de joueurs autour du plateau, nombre qui est lié directement aux mouvements effectués à chaque tour.
En effet, un tour de jeu à Gorinto est simple. On choisit une tuile sur un des deux côtés disponibles du plateau de jeu, on la pose sur la ligne ou la colonne référente et en fonction de la couleur de cette tuile et du nombre de tuiles dans notre stock personnel, on va récolter une ou plusieurs tuiles.
l
Simple, mais pas simpliste !
Pas simpliste car il va falloir faire preuve d’une forte adaptation en relation avec les deux objectifs de saison, soit 8 objectifs dans le jeu, qui vont vous permettre de marquer des points durant la partie.
Selon l’ordre du tour, il va falloir réfléchir au moment de votre tour, car on l’a vu plus haut, le plateau évolue sans cesse, en surface et aussi en profondeur.
Ce qui peut provoquer d’ailleurs parfois un phénomène d’engorgement intellectuel chez certains joueurs à ne pas minimiser, surtout pour les joueurs qui aiment les jeux à rythme rapide.
L’avantage principal est la diversité des parties, que ce soit en fonction du nombre de joueurs, ainsi que par la mise en place et les objectifs finaux et intermédiaires.
l
Un jeu différent selon le nombre de joueurs ?
La partie à 2 joueurs, qui bénéficie d’une légère adaptation aux règles, sera plus frontale, plus directe, comme à « Splendor », où l’efficacité sera recherchée à chaque coup. La réflexion sera beaucoup plus facile pendant le tour de l’adversaire, et un coup effectué en ouvrira plusieurs à l’autre joueur, un peu comme dans la version 2 joueurs de l’excellent Five Tribes.
A 4 joueurs, c’est presque un autre jeu qui s’offre à vous, on va plus avoir envie de travailler la stratégie sur la longueur, favoriser les deux couleurs bonus de fin de partie, en essayant de scorer le plus possible d’objectifs de saison, en regardant minutieusement le jeu des adversaires. En effet, une tuile prise permettant d’égaliser un adversaire sur un objectif de majorité peut s’avérer un très joli coup quand bien même c’est un adversaire « direct ».
Marquer le plus de points est toujours intéressant, mais à 4 joueurs (un peu moins dans la configuration 3 joueurs), le delta entre joueurs sera un indicateur primordial. Mais attention à ne pas se focaliser sur le premier joueur du premier ou second tour, car les remontées sont possibles et cela rajoute une tension réelle et je dois dire satisfaisante au jeu.
l
La diversité de la configuration des tuiles mais pas que…
La mise en place à Gorinto est totalement aléatoire.
100 tuiles éléments, 20 dans les 5 couleurs, disposées en partie sur un plateau de 5×5 cases, avec des profondeurs allant jusqu’à 4 tuiles pour celle du milieu. Soit 60 tuiles à placer au départ du jeu, plus 10 tuiles sur les abords du plateau.
Je vous laisse le soin de calculer les possibilités !
D’ailleurs, la mise en place est parfois un peu longue à effectuer, donc un conseil : soit vous préparez votre plateau avant l’arrivée de vos invités, soit je vous invite à les faire participer pour raccourcir le temps de mise en place du jeu.
Ensuite, les objectifs de la partie. Il y a donc 5 couleurs de tuiles, et deux objectifs de fin de partie qui vont bonifier donc 2 couleurs au hasard connues dès le départ. S’ajoutent également 8 objectifs tirés aléatoirement, et se dévoilant 2 par 2 durant les 4 saisons du jeu.
La diversité des objectifs de saison est très bien venue. Effectivement vous allez être confronté tantôt à des objectifs liés à la hauteur des piles de votre stock, des points aussi alloués aux différences entre la taille de vos piles, des points liés à votre pile moyenne en taille, des points en fonction du nombre pair ou impair de chaque couleur stockée, ainsi que des points en fonction des majorités autour de la table. Quelle diversité dans les objectifs, et du coup autant de manières d’axer une stratégie différente !
Mais ça ne s’arrête pas là !
Effectivement, une fois que vous serez aguerri après plusieurs parties, le jeu vous propose des départs alternatifs avec différents sets de positionnement des tuiles et ce, quel que soit le mode de jeu !
l
Le mode solo
Pour terminer, il existe un mode solo qui, à l’heure où j’écris ces lignes, n’a pas encore été testé. Il vous permettra de vous confronter à un adversaire fictif, le rusé « Kitsune » (esprit puissant et malicieux souvent représenté sous la forme d’un renard à plusieurs queues).
Les jetons terrier viendront se mettre à la place des tuiles « chemin », aux abords du plateau pour la mise en place du jeu, ce seront les coups numérotés de « Kitsune ». Les cinq autres cases seront remplies de manière normale. Une pièce recto verso interviendra pendant le tour du renard afin de déterminer s’il collecte des tuiles de façon classique mais sans contrainte de nombre, ou s’il utilise ses nombreux pouvoirs en collectant l’élément en majorité.
A croire qu’il vous mettra à rude épreuve dans l’élaboration de vos stratégies, et qu’il faudra aussi faire preuve d’un grand niveau d’adaptation pour en venir à bout.
l
Malheureusement il y a un petit point noir au tableau…
Le problème de l’ordre du tour
Si vous considérez, comme moi, que l’ordre du tour vient parfois un peu casser le rythme et l’équilibre de vos parties (le joueur ayant le moins de point démarre la saison suivante), le jeu vous propose d’utiliser une partie du matériel du mode solo pour vos parties à 3 et 4 joueurs (En fait, à 2 joueurs le problème ne se pose pas.). L’ordre de début de partie devient totalement aléatoire et ensuite dans les saisons qui suivent, l’ordre devient 1er pour le dernier et ainsi de suite.
Même si cela est intéressant d’avoir proposé cette variante d’ordre du tour, cela démontre néanmoins un souci de jeu au niveau de ce point de règle, et surtout que l’auteur et l’éditeur n’ont pas réussi à trancher ou à solutionner ce problème autrement.
Je pense honnêtement que la règle optionnelle devrait être celle de base car elle est beaucoup plus juste dans le gameplay et moins punitive pour les joueurs.
l
l
VERDICT
l
l
J’aime beaucoup les jeux dit abstraits, comprenez par-là les jeux de manipulation basés sur la logique et définis aussi par leur absence réelle de thème.
Gorinto ne déroge pas à la règle. Même si, sur quelques parties, le problème d’ordre du tour s’est posé, le jeu reste agréable si vous aimez manipuler, compter, et ne pas trop prévoir vos actions en profondeur.
Si votre groupe d’amis présente l’existence d’un ou plusieurs joueurs longs, alors attention, car parfois le jeu n’aide pas, surtout dans les premiers tours de chaque saison et plutôt à 3 joueurs, à la réflexion rapide.
Dès lors, la diversité du jeu, dûe aux critères du nombre de joueurs, de la mise en place, des objectifs, promet des heures et des heures de parties vraiment différentes et ça c’est un vrai atout à relever.
l
Gorinto est un jeu de réflexion, teinté d’opportunisme et d’adaptation, où rien n’est joué d’avance et certains coups d’anticipation ou de réaction peuvent s’avérer fructueux.
Les sensations sont différentes à deux, apportant une confrontation plus directe et un contrôle un peu plus présent.
Gorinto s’inscrit dans la lignée des jeux comme Azul, avec un univers plaqué mais très agréable.
Une vraie bonne pioche dans les jeux abstraits de collecte et collection de cette première partie de l’année !
l
Un grand merci à Super Meeple, et particulièrement Philippe T., pour avoir eu la bonne idée de proposer le jeu au Labo des Jeux et d’avoir eu la bonne idée d’éditer ce jeu.
l
Nous faisons partie du programme d’affiliation mis en place par Philibert sur leur site. Cela signifie que si un jeu que nous avons chroniqué vous plaît, et que vous l’achetez en cliquant sur le lien Philibert que nous proposons en bas de chaque article, nous percevrons une modeste contribution nous permettant de nous acheter d’autres jeux, pour pouvoir les chroniquer et vous donner notre avis. C’est une forme de soutien, et nous vous en remercions par avance! C’est grâce à vous que nous pouvons continuer à abreuver ce modeste blog avec toujours + de contenu.
l
Prix constaté : 33 €