Test : Gutenberg

Test : Gutenberg

Ce jeu est une très belle réalisation éditoriale, et une belle proposition mécanique. Que le thème des prémisses de l’imprimerie avec Gutenberg au 15ème siècle vous intéresse ou non, vous pourrez tout autant y trouver votre compte et on va voir pourquoi. Pour l’aspect mécanique, vous aurez un jeu intermédiaire avec une association de mécaniques intéressantes, la programmation avec enchères cachées, et la gestion de vos ressources pour réaliser des commandes. On y reviendra aussi.

Les auteurs de ce jeu sont assez inconnus du monde ludique français, et leur autre collaboration commune, Partytura n’a pas été localisée, sauf erreur de ma part. Il s’agit de Katarzyna Cioch et Wojciech Wiśniewski, un duo qui fleure bon les chiffres puisque Wojciech serait mathématicien et analyste données. Tout un programme ! (Programme, analyste, vous l’avez ?)

Le jeu est illustré par Rafał Szłapa, édité par Granna, et localisé par Atalia.

Le jeu est prévu pour 1 à 4 joueurs, à partir de 10 ans et pour une durée de 90 minutes environ.

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Les défauts de ses qualités (visuelles)

Autant commencer tout de suite par ce que je trouve vraiment bien réalisé, c’est-à-dire l’homogénéité que dégage ce jeu, dans son thème, son édition et ses mécaniques. Le rendu final est très cohérent, le plateau très lisible, et l’ensemble est visuellement très pertinent.

On se retrouve avec du très beau matériel, des lettres qui ne sont pas juste imprimées sur un token en carton, mais bien des petites lettres d’imprimerie imprimées à l’envers sur un petit morceau de bois. Hyper classe. C’est un jeu revendiqué sans plastique (c’est même imprimé sur la boite) et on peut saluer cette initiative. S’il faut chipoter, les gouttes d’encre en carton ne sont pas des plus préhensibles et des plus pratiques, et les axes d’engrenages à fixer sur les plateaux individuels peuvent un peu abimer les plateaux, mais rien de bien méchant.

Ce sentiment d’homogénéité peut, par contre, et je le comprends, sembler austère et peu attractif comparé aux productions actuelles, souvent plus colorées et « catchy ». Là, quand on regarde le plateau ou quand on assiste à une partie en festival, bah ça peut paraitre un peu triste, avec cette dominante de blanc-beige-marron. C’est totalement thématique et vous embarque dans une imprimerie du 15ème siècle, mais je comprends que cela puisse laisser froid.

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Des mécaniques séduisantes

Moi sur le papier j’aime bien cette association de programmation avec enchères cachées, et la réalisation d’objectifs individuels, surtout quand c’est bien lié, et bien exploité.

La programmation avec enchères cachées débutera chaque tour de jeu, et est très intéressante dans sa résolution, puisque les 5 actions du jeu sont impeccablement représentées dans l’ordre sur le plateau. Vous allez donc miser vos cubes sans montrer aux autres, puis tout le monde révèle et on résout chaque action l’une après l’autre, on descend ainsi sur le plateau. C’est très lisible et facile à suivre, et on comprend qu’à un moment, si on n’arrive pas à récupérer la ressource visée parce que les autres joueurs ont plus misé que vous sur la 2ème action et ont déjà récupéré les ressources voulues quand vient votre tour, eh bien potentiellement vous jouerez peut être une action plus bas dans le tableau qui vous permettra aussi de récupérer la ressource manquante. Bien sûr, ça n’arrive pas tout le temps, et il peut arriver que les adversaires ne vous facilitent pas du tout la tâche, voir même « lisent » votre programmation. Bah oui, si vous n’avez plus de commandes à réaliser (cette étape survient en fin de tour) il y a de grandes chances que vous misiez des cubes pour faire l’action récupérer des commandes.

La réalisation d’objectifs individuels est simple. Vous récupérez des commandes que vous aurez l’opportunité de livrer en fin de tour. Il vous faut pour cela recueillir les lettres et encres nécessaires. En plus, il y aura des finitions optionnelles à valider (qui correspondent à des niveaux d’améliorations d’atelier à posséder), qui vous apporteront des points bonus ou des florins. Clairement, valider les commandes complètes avec leurs finitions vous fera avancer bien plus vite sur la piste de score, mais vous ne livrerez certainement pas aussi vite que vos adversaires. A vous de faire vos choix en fonction des ressources que vous allez récupérer grâce aux 5 actions programmables, et à votre bonus de départ (un tout petit peu d’asymétrie).

Vous savez (à peu près) ce que vous devez livrer comme commandes, avec quelles lettres et quelles encres, et quelles finitions, à vous d’organiser votre programmation pour récupérer ce dont vous avez besoin. Mais les adversaires auront besoin autant que vous des ressources encres en quantité limitée à chaque tour sur le plateau, et des améliorations des ateliers, elles aussi limitées. La prime à celui qui fera l’action en premier, mais vous ne pourrez pas toutes les faire en premier justement !

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Une dynamique qui s’accélère

En termes de déroulé de partie, surtout si vous jouez avec des novices, le 1er tour (et éventuellement le début du second) est un peu plus lent, puisque vous résolvez action par action, joueur après joueur, histoire que tout le monde comprenne. Heureusement cela vient vite. Parce que le jeu est lisible (à part les engrenages, mais on y reviendra), le plateau clair, et le jeu homogène. J’adore cette montée en puissance au fur et à mesure des tours, dans le sens où on veut vite réaliser les actions du plateau afin de récupérer (si on a bien prévu son coup) les commandes/encres/améliorations d’ateliers/engrenages/actions bonus visées, pour enfin terminer le tour où chacun livre enfin la ou les commande(s). Points de victoire et florins se déversent alors sur vous si vous avez bien géré votre tour. Sinon vous gagnerez 7 PV à ce tour ci, et pesterez contre votre voisin qui en engrange 25, et commence à prendre le large. Mais c’est pas grave, on y retourne et faut faire vite, on approche de la fin, plus que 2 tours pour se rattraper !

Quoi, vous êtes sceptiques vous aussi ? Vous vous dites que l’imprimerie au 15ème ça a pas l’air bien fou-fou, et c’est plutôt de la musique de chambre et les mouches qui volent qu’on entend quand on y joue. Bah non, parce que si vous vous prenez au jeu, vous allez vouloir que ça avance bien vite, résoudre les actions fissa, descendre en bas du plateau à chaque tour bien vite, pour enfin livrer vos belles commandes toutes enluminées et gravées ! Et, bien sûr, empocher les PV. 😉

Et, bien sûr, cette dynamique dont je vous parle peut très vite être contrebalancée si vos joueurs sont lents et/ou souffrent d’analysis paralysis.

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Un beau « premier » livre

N’ayant pas trouvé grand-chose concernant leur production ludique, on va placer Gutenberg comme leur « premier livre » pour joueurs intermédiaire ou initiés. Et c’est une belle œuvre, tant sur le travail d’édition de Grana, que sur la réalisation et le soin accordé à l’homogénéité du jeu. Je le trouve élégant dans sa conception, et dans l’imbrication des mécaniques et des actions avec le matériel. Les actions se résolvent à la suite et sont présentées dans cette disposition sur le plateau central. C’est donc lisible et facile à suivre. Les 2 reproches que je lui fais sont la puissance des cartes mécènes que l’on peut acquérir durant la dernière action du tour (à condition d’avoir les pré-requis nécessaires) et qui rapportent 8 PV chacune en fin de partie. A chaque fois, ça a fait la diff’.

Enfin, les engrenages c’est chouette puisqu’ils sont imbriqués et à chaque début de tour vous tournez celui du haut qui va faire aussi tourner le ou les autres. A vous de bien les positionner pour avoir l’action souhaitée durant tel ou tel tour. Mais clairement c’est l’élément le moins lisible du jeu, et chaque nouveau joueur s’y reprenait à plusieurs fois en s’emparant du glossaire pour déchiffrer l’action indiquée sur 1 engrenage.

Je ressors Gutenberg avec plaisir, et j’aime surtout le faire découvrir car avec ces mécaniques de programmation cachée et de récupération de ressources pour réaliser des commandes, je le trouve intéressant et plutôt original, en plus d’être bien édité.

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